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Le Musée de l'Homme, lieu scientifique et politique

L'histoire du Musée de l'Homme est indissociable de celle de son fondateur, Paul Rivet. Rejetant de toutes ses forces la notion de race dans le contexte de la fin des années 1930, Rivet a fait de "musée" un lieu politique.
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Franceinfo (Franceinfo)

Retour en mai 1936. Le grand anthropologue Paul Rivet est à la tête du Musée d’Ethnographie du Trocadéro depuis 1928. Farouchement opposé à l’anthropologie physique qui hiérarchise les races, Rivet se voit confier la fondation du Musée de l’Homme qui n’est encore alors qu’un projet .

Les propos de Paul Rivet méritent d’être écoutés aujourd’hui:

Un peuple ne peut être défini que par l'ensemble de ses caractères physique, culturels et linguistiques. C'est cette conception synthétique que le Musée de l'Homme s'efforcera de rendre accessible au public. Ce public saura ce qu'il faut penser scientifiquement de cette notion de race qui, à l'heure actuelle, trouble tant d'esprits.
 

Paul Rivet sait de quoi il parle. En 1933, en voyage à Berlin, il a découvert le discours racialiste nazi et a accueilli dans son Musée du Trocadéro de nombreux chercheurs juifs fuyant le nazisme.

Le Musée de L’Homme, inauguré dans le Palais de Chaillot construit à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1937, est ainsi un lieu scientifique mais aussi politique, le lieu de l’affirmation du rejet du concept de race.

Et ce lieu devient plus politique encore avec la guerre. Le matin du 14 juin 1940, avant même le discours du Maréchal Pétain prônant l’armistice Paul Rivet placarde sur les portes du musée le poème de Kipling, "Tu seras un homme mon fils", comme un appel à se battre.  Et un mois plus tard, le même Rivet adresse une lettre ouverte au Maréchal Pétain où on lit :

"Monsieur le Maréchal, le pays n’est pas avec vous, la France n’est plus avec vous".

Forcé à l’exil, Paul Rivet fuit en Colombie en 1941 et assistera de loin à l’héroïsme de ses anciens amis réunis dans le réseau de résistance du Musée de l’Homme.

En 1947, le combat scientifique et politique de Paul Rivet n’est pas terminé:

Il est évident que si le métissage conduisait à la dégénérescence, l'humanité actuelle serait en pleine dégénérescence parce qu'elle est le résultat de croisements multiples qui se sont exercés depuis au moins 125.000 ans. Et nous sommes en Europe, et en France, les descendants d'une multitude de croisements. On ne parle plus de race!

 

Sur fond de débat nauséabond sur la race blanche, la réouverture du Musée de l’Homme montre que des décennies plus tard, Paul Rivet nous parle encore. 

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