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Le malaise paysan d'hier (1964) à aujourd'hui (2015)

"Les petits agriculteurs ne pourront pas survivre !" disait le sociologue Henri Mendras en 1964 Alors que Salon International de l'Agriculture, qui remplace depuis 1964 le vieux Concours Général Agricole, entre dans sa dernière ligne droite, retour en archives sonores sur le malaise paysan d'hier (1964). Et d'aujourd'hui (2015).
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (Le Général de Gaulle inaugure le 1er Salon de l'agriculture en 1964 © NC)

En mars 1964, une foule immense se presse dans les allées du Parc des expositions de la Porte de Versailles. A la fin de cette folle semaine, le tout nouveau salon comptabilisera plus de 300.000 visiteurs. C'est un pari réussi pour le Salon International de l'agriculture qui, sous l'impulsion du ministre de l'Agriculture Edgard Pisani, remplace le vieux Concours général agricole qui se tenait chaque année depuis 1870 (à l'exception notable des années de guerre).

Et ce changement de nom traduit une volonté très précise, faire place nette et faire entrer l'agriculture de plein pieds dans la modernité qui s'est abattue dans les campagnes françaises. Ce désir se retrouve également à la radio :

"Il y a actuellement 1 million de tracteurs agricoles en France et cette mécanisation se poursuit. Les machines sont devenues une donnée indispensable de la production agricole moderne ! "

Il est vrai que ces années-là sont celles d'une transformation rapide de l'agriculture française. Les tracteurs, les moissoneuses-batteuses se répandent comme une traînée de poudre. Dans les campagnes, c'est une véritable révolution venue notamment du plan Marshall américain, mais aussi des innovations de l'INRA, l'Insitut National de la Recherche Agricole, créé en 1946, et du lancement de la PAC, la Politique Agricole Commune, mise en place à partir de 1962.

Michel Debatisse, le patron des Jeunes agriculteurs qualifie cette révolution de silencieuse, dans un livre éponyme qui connaît un grand succès.

Pour les agriculteurs, le bouleversement est d'ailleurs considérable. En 1946, dix travailleurs agricoles nourrissaient 55 personnes. En 1975, les dix mêmes en nourrissent 260. Et cela a des conséquences majeures sur le monde paysan.

En 1964, le grand sociogue Henri Mendras décrit le malaise paysan dans un livre devenu un classique et au titre très évocateur, La fin des paysans. Il vient défendre son hypothèse sur les ondes françaises :

"Les petits agriculteurs ne pourront pas survivre ! Les petits vont crever ! "

Et pour les agriculteurs français et leur traditon des petites exploitations, là est précisément le drame.

Aussi, à bien des égards, la décennie des années 1960 marque une transition, l'entrée du monde agricole dans une société qui se modernise, s'urbanise. Et qui progressivement se détourne des campagnes. Un monde est en train de disparaître et lorsqu'il tourne le documentaire Adieu les Coquelicots en 1970, le journaliste Pierre-Henri de Virieu en a pleinement conscience :

"Longtemps, trop longtemps l'agriculture a offert ce visage d'un monde à part, figé dans son décors de de coquelicots, vivant au fil des saisons..."

Aujourd'hui, on peut dire que l'agriculture moderne a atteint ses objectifs. Mais cela ne s'est pas fait sans que les agriculteurs aient à en payer le prix. La vie des campagnes s'en est trouvée profondément bouleversée, et l'environnement non moins profondément dégradé.

Et paradoxalement, au moment où se tient le 52e Salon de l'agriculture, c'est là qu'il faut trouver le nouveau malaise paysan : isolé sur d'immenses exploitations modernisées, et contraint par des normes environnementales de plus en plus fortes, l'agriculteur de 2015 est inquiet.

 

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