"Le diesel sent plus mauvais que l'essence, mais il pollue moins"
Alors que des élus et des industriels sont à Bercy pour défendre le diesel, retour sur les mille et une façons de défendre cette filière depuis près de cinquante ans.
Très tôt, la question de la pollution du moteur diesel est posée. Nous sommes au salon de l’automobile de Paris de 1970. Le président de la république, Georges Pompidou s’arrête au stand de Peugeot, qui, déjà, est l’un des constructeurs qui a le plus développé le diesel avec son fameux moteur indénor qui équipe alors les célèbres 204, 403, 404 et 504.
Le diesel, moteur propre
Georges Pompidou s’inquiète de l’effet du problème de la pollution du diesel sur le développement de ce moteur. Maurice Jordan, le patron de Peugeot le rassure :"Il sent plus mauvais que l'essence, mais il pollue moins." Le président de la république lui répond alors: « Au nez il pollue plus »
Le diesel, moteur plus propre que l'essence, cela va être la réponse longtemps privilégiée par l’industrie automobile française. L'argument est simple: parce qu’il émet moins de dioxyde de carbone que le moteur essence il est plus propre. Et au fond, tout est question de réglage des moteurs. En somme, longtemps le problème n’a pas été le moteur, mais son mauvais entretie.
Un argument qui ne résiste pas à une analyse plus fine, plus fine comme les particules émises par les moteurs diesel. Et sans parler des dioxydes d’azote.
Le diesel, une arme contre la crise économique
Dans le contexte de la crise pétrolière, le moteur diesel présente l’avantage d’une moindre consommation. Ainsi, ce moteur est propre et vertueux pour l’économie française.
Peugeot se lance à fond dans le diesel dans les années 1980 et quand les risques sanitaires sont à nouveau évoqués dans le rapport du professeur Roussel de 1983 qui pointe le lien entre les particules fines émises et les cancers et préconise un arrêt immédiat de la croissance du parc automobile diesel, le patron de PSA, Jacques Calvet a des tas d’arguments à opposer:
Il faut bien voir que le diesel a un coût d'entretien et de carburant beaucoup moins élevé, pollue beaucoup moins qu'un moteur essence sans catalyseur, et pour l'économie nationale, pour la balance du commerce extérieur, consomme moins de carburant.
Jacques Calvet, 1990
Les aides accordées au moteur diesel sont dès lors pleinement légitimées. Et le parc diesel s’envole, jusqu’à quasi les 2/3 des véhicules particuliers roulants en France au début de notre décennie.
Le retour du diesel propre dans les années 2000
Avec l’arrivée des filtres à particules, une innovation française, encore chez Peugeot, c’est le diesel propre qui est à nouveau vanté à partir la fin des années 1990.
Le contexte est important. En 1997, la gauche plurielle arrive au pouvoir avec la volonté de ramener le diesel au prix de l’essence. Branle-bas de combat chez les constructeurs français qui parviennent à repousser ce projet. Dominique Voynet, ministre de l’environnement de l’époque, évoquera l’intense lobbying du secteur. Et publiquement ce qui est avancé en effet, c’est, à nouveau, le moteur propre, ce qui au passage, indique qu’il ne l’était pas tant que ça.
Jean-Martin Folz le patron de PSA qui proclame son attachement au diesel, on est en 1999:
Un moteur diesel Peugeot-Citroën équipé d'un filtre à particules rejette moins de particules qu'un moteur à essence. Notre rôle est d'avoir des moteurs performants et propres, c'est ce que nous faisons.
Jean-Martin Folz, 1999
Aujourd’hui, après le dieselgate, il n’est plus vraiment possible de sortir la carte du moteur plus propre .
A court d’argument, il reste une dernière carte, utilisée discrètement pour faire pression sur les politiques par le passé, et désormais publiquement : le chantage à l’emploi. Selon l'Observatoire de la métallurgie, 10 à 15.000 emplois seraient directement menacés par l’effondrement des ventes de véhicules à moteurs diesel.
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