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Histoires d'Info. Au sujet de Margaret Thatcher, Renaud : " Et en plus, elle est moche ! " (1986)

François Fillon grimé en Margaret Thatcher, en Une de Libération mardi 22 novembre. La femme politique a marqué les années 80 par sa politique ultra-libérale. Le candidat qui arrive en tête du premier tour de la primaire à droite n'a jamais caché son admiration pour la "Dame de fer". Hors elle n'a jamais suscité l'enthousiasme des Français.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Margaret Thatcher, Premer ministre britannique le 23 mai 1990. (© HOWARD DENNER / RETNA PICTURE / MAXPPP)

Et presque immédiatement la gauche française en fait une cible privilégiée. Son programme très libéral s’oppose alors à une gauche très étatiste qui voit rapidement dans Thatcher un contre-modèle.  Pendant que Thatcher privatise, la France de Mitterrand nationalise. Difficile de faire plus opposé.

D’autant que quelques jours avant l’élection de Mitterrand, les communistes manifestent dans Paris contre Thatcher, mais ce n’est pas la politique économique anglaise qui est ciblée : " Des manifestations un petit peu partout dans le monde, notamment aux Etats-Unis et puis tout à l'heure à Paris à l'initiative du Parti communiste et Georges Marchais qui conduisait cette manifestation qui allait de l'Opéra à l'ambassade de Grande-Bretagne aux slogans de :  L'Irlande vaincra... liberté pour l'Irlande... Thatcher assassin... travaillistes complices... "

" Thatcher assassin ", c’est violent, parce qu’elle est accusée d’avoir laissé un militant de l’IRA, Bobby Sands, mourir d’une longue grève de la faim alors qu’il était emprisonné. Thatcher qui dira à la Chambre des Communes :  " Monsieur Sands était un criminel condamné. Il a fait le choix de s'ôter la vie. C'est un choix que l'organisation à laquelle il appartenait n'a pas laissé à beaucoup de ses victimes. "

La politique sociale particulièrement dure notamment envers les mineurs et les syndicats finit de faire de Thatcher le visage de la détestation pour une grande partie de la gauche.  Et en 1986, Renaud monte au créneau. Il s’en explique à la télévision : " Je ne l'aime pas parce qu'elle a une attitude souvent plus masculine que féminine. Elle a une attitude de belliciste. Elle a laissé crever les Irlandais dans les prisons d'Irlande du Nord après un mois de grève de la faim. Elle a une politique économique qui amène une situation en Grande-Bretagne que l'on connait qui est assez dramatique dans les ghettos. Elle a laissé crever les mineurs en grève pendant un an. Puis en plus elle est moche ".

À droite, on adore Thatcher ?

Non, pas vraiment. Alors qu’idélogiquement la droite se construit un discours libéral, favorable aux privatisations en vue des legistlatives de 1986, on est un peu gêné par la comparaison avec Thatcher. Exemple ici avec Alain Juppé, en novembre 1984. Il faut dire qu’à cette date, la répression violente contre les mineurs grévistes atteint son paroxysme : " Il y a une passion dans la classe politique française pour les étiquettes. On veut mettre les gens dans des petites boîtes et mettre dessus des étiquettes. Vouloir faire des comparaisons, vouloir assimiler ce qui se passe en France ou ce que nous proposons à ce qui se passe en Grande-Bretagne ou ce qui se passe aux Etats-Unis est largement artificiel "

Il y a évidemment la position anti-européenne de Thatcher qui a fortement déplu à Valery Giscard d’Estaing et à Jacques Chirac

Si l’on s’en tient aux présidents de droite. On se souvient du célèbre  " I wan’t my money back " claironné dès 1979 mais aussi sa politique anti PAC insupportable pour Jacques Chirac. Ici en 1988, il est Premier ministre au journal de 20 H :

Le journaliste : " Vous avez lu la presse anglaise ce matin ? Il paraït que vous avez vertement répliqué à madame Thatcher à Bruxelles ? "

Jacques Chirac : " Je ne sais pas comment sont nés ces bruits, j'ai défendu fermement les positions de la france et c'est dans ma nature... "

Micro ouvert, Chirac s’est emporté contre les exigences de Thatcher avec un tonitruant : " Mais qu'est-ce qu'elle me veut de plus cette mégère ? Mes couilles sur un plateau ? "

 

Tant de détestation, on s’étonne de la voir citée ouvertement en modèle par François Fillon ?

Alors il n’est tout de même le premier dirigeant de droite à l’admirer. Ecoutez ici Raymond Barre en 1989 : "Je vous dirai d'abord que j'ai beaucoup de considération et d'admiration pour madame Thatcher. Si l'Angleterre a connu un renouveau, c'est grace à elle. Ne l'oublions pas. "

Mais surtout le temps a fait son œuvre et si le détail des politiques menées par Thatcher a été oublié, reste une image, celle du courage de réformer, coute que coute, un système économique et sociale prétendument sclérosé. Et c’est cette image que François Fillon tente d’incarner à travers la référence assumée Thatcher.


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