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Histoires d'info. "Parler vrai" est-ce "parler mal"?

Certains mots sont considérés comme injurieux, surtoût si ils sont prononcés par un president de la République. Dernier exemple en date et le "Bordel" prononcé par Emmanuel Macron. 

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
"Casse-toi, pauvre con !" Une phrase reprise lors de manifestations contre Nicolas Sarkozy. (PATRICK KOVARIK / AFP)

Emmanuel Macron qui parle de certains qui "foutraient le bordel", voilà qui s’inscrit dans une ligne de propos considérés comme injurieux de la part du président de la République. Un président qu’on avait déjà suspecté de qualifier de "fainéants" ceux qui refusaient la loi travail, même s’il s’en était défendu.

Deux aspects interrogent dans les propos du président : d’une part le vocabulaire utilisé, inimaginable dans la bouche d’un président de la République jusqu’au "Casse toi pov’con !" de Nicolas Sarkozy au salon de l'Agriculture, en février 2008.  Bien sûr, dans le privé, il n’est pas interdit de penser que les présidents avaient un vocabulaire fleuri. Je n’oserai vous répéter les injures préférées d’un Jacques Chirac par exemple. Mais ce qui surprend, voire choque, c’est l’usage d’un tel vocabulaire en public. Aujourd’hui les caméras sont partout.  

Le porte-parole du gouvernement sort les rames

Comme d’habitude, Christophe Castaner est venu à la rescousse. "Vous savez, je crois qu'on peut être cultivé et parler comme tous les Français, a déclaré le porte-parole du gouvernement. Je pense qu'on peut aussi avoir l'objectif, en politique, c'est mon cas, c'est aussi le cas d'Emmanuel Macron, d'arrêter la langue de bois et d'oser nommer les choses." On apprend au passage que les Français ne sont pas cultivés, mais l’idée la plus importante, c’est qu’il y aurait deux façons de parler qui s’opposeraient : celle des Français, une langue de la vérité, et celle des politiques, la langue de bois. Avec l’idée sous-jacente que les politiques ne disent pas la vérité, qu’ils noient le fond sous la forme policée. Une idée finalement déjà ancienne et théorisée par Michel Rocard, invité de "L’Heure de Vérité" en 1981. 

Alain Duhamel : "Votre dernier livre, en 1979, s'appelait 'Parler Vrai'. Est-ce que quand on est ministre on peut parler vrai ?"

Michel Rocard :  "Et bien, nous allons tenter d'en faire la démonstration ce soir. Pourquoi pas ?"

Alain Duhamel : "Est-ce que vous pensez que quand on est ministre, on peut parler vrai ?"

Michel Rocard : "Il est probable qu'on ne peut pas tout dire. Encore que j'en doute mais on peut sûrement parler vrai."

Dans les années 1980, l’argument du "parler vrai" sera peu à peu confisqué par les extrêmes et surtout par l’extrême droite, dans les années 1980 Jean-Marie Le Pen ne se présentait-il pas comme "l'homme qui dit tout haut ce que les Français pensent tout bas". Dans l’esprit de Michel Rocard mais aussi dans la bouche de Le Pen, "parler vrai" ne signifiait pas encore "parler mal". On parle de grossièreté mais aussi d’une langue française malmenée, une évolution que l’on constate depuis la présidence de Nicolas Sarkozy. Une évolution qui n’est pas l’apanage de la démocratie française.

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