Histoires d'info. "Ne tremblez pas !" : quand Valéry Giscard d'Estaing encourageait la Cour des comptes à traquer les gaspillages
Mercredi 6 février, la Cour des comptes a remis publiquement son rapport annuel. C'est un événement médiatique depuis les années 1970.
Si la Cour des comptes remet son rapport chaque année depuis 1832, cette remise n'est publique que depuis 1946, et longtemps son travail était marqué par le sceau de la suspicion. Ce n'est que plus tard que la publication est devenue un événement médiatique.
Tout va changer progressivement dans les années 1960 et surtout 1970, quand l’État commence à s’appuyer sur les rapports de la Cour des comptes pour améliorer la gestion publique.
La crise encourage la chasse aux gaspillages
Comme point de départ de ce tournant, il y a un discours prononcé par Valéry Giscard d’Estaing, nouvellement élu en 1974, dans un contexte de déficit, d’inflation. Le président veut lutter contre le gaspillage, de l’énergie bien sûr, avec la chasse au gaspi, mais aussi de l’argent public. Il se rend rue Cambon, là où siègent les magistrats de la Cour des comptes depuis 1912, pour la séance solennelle d’ouverture en septembre 1974. Il a un message clair et fort à leur faire passer.
Ne tremblez pas devant l’affirmation de la vérité et la mise en cause des responsabilités.
Valéry Giscard d'Estaing12 septembre 1974
Le président est entendu. Les rapports annuels deviennent de véritables brûlots contre le gaspillage de l’argent public, contribuant d’ailleurs à enraciner l’idée de la faillite des élites, soit corrompues, soit incompétentes.
À partir des années 1970, chaque année, la publication du rapport de la Cour des comptes est décryptée dans les médias. On s'amuse, se désole ou on se scandalise du gaspillage de l'argent public.
Trois quarts des recommandations suivies d'effet
La Cour a révélé de véritables scandales qui ont eu des conséquences : c’est par exemple son rapport de 1997 qui pointait les folles dépenses de France Télévisions pour ses animateurs-producteurs. Un scandale qui débouchera sur le départ du président du groupe, Jean-Pierre Elkabbach, et une remise à plat de tout le système.
Mais depuis 2010 et l’arrivée de Didier Migaud à la tête de la Cour des comptes, on dispose d’un outil pour mesurer le suivi de ses recommandations. On peut ainsi savoir si elle "laboure l’océan" comme disait Simon Bolivar, ou si elle "pisse dans un violon", comme disait ma grand-mère.
Selon la Cour, près des trois quarts des 1 571 recommandations formulées en 2015, 2016 et 2017 ont été partiellement ou totalement mises en œuvre. La Cour des comptes a donc un véritable pouvoir. Raison de plus pour s’assurer qu’elle ne s’éloigne pas des deux fondements de sa crédibilité : la rigueur et l’impartialité.
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