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Histoires d'Info. Marine Le Pen, l'héritière

Chaque semaine, un candidat à la présidentielle est passé au crible : son programme, son parcours, sa personnalité. Lundi 20 février, nous nous arrêtons sur Marine Le Pen. Thomas Snégaroff retrace son itinéraire politique.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Marine Le Pen, présidente du Front national, candidate à l'élection présidentielle, ci-contre à Nice, le 13 février 2017. (AFP)

Une ombre blonde au premier rang de L'Heure de Vérité, dans les années 1980, lorsque son père était invité de l'émission politique sur Antenne 2. Telles furent les premières apparitions télévisées de Marine Le Pen. En 1988, elle est hilare aux côtés de son père et de ses deux sœurs, Marie-Caroline et Yann, saluant les militants depuis le balcon de leur résidence de Saint-Cloud, au soir du premier tour de l'élection présidentielle, quand Jean-Marie Le Pen avait recueilli 14,4% des suffrages. 

Marie-Caroline est alors déjà dans le bain politique. À 19 ans, Marine, elle, a sa carte du parti créé par son père, mais privilégie encore ses études de droit. Difficile pourtant de ne pas céder à la pression familiale. En 1993, à 24 ans, la benjamine des filles Le Pen se présente aux élections législatives dans le XVIIe arrondissement de Paris. Pour tout le monde, elle n'est que "la fille de". Un statut qu'elle revendique.

En tant que filles de Jean-Marie Le Pen, nous avons été confrontées à un grand nombre d'obstacles et cela nous a peut-être forgé un caractère plus combatif.

Marine Le Pen, candidate aux législatives en 1993, dans le XVIIe arrondissement de Paris

Fidèle à son géniteur, elle regardera Marie-Caroline choisir Bruno Mégret plutôt que leur père, en 1998. Jean-Marie Le Pen dira alors de son aînée qu'elle fait partie de "ces femmes qui ont l'habitude de suivre leur mari ou leur amant plutôt que leur père." Marine, elle, suit son père. Mais après les élections présidentielles de 1995 et de 2002, elle est l'une des premières à comprendre que ce FN-là ne pourra jamais arriver au pouvoir et que l'élection à deux tours lui sera toujours fatale.

Trop négatif

Marine Le Pen entame donc une stratégie de normalisation, voire selon les mots du Front national, de "dédiabolisation" mais pas question de l'avouer : "Je n'aime pas tellement ces termes de 'moderniser' et de 'déringardiser' parce qu'on a l'impression qu'avant on était ringards et archaïques, ce qui n'était pas le cas", rappelle-t-elle.

Sûre d'elle, Marine Le Pen aurait proposé à son père de changer le nom du parti, trop négatif et trop clivant, selon elle. Dans la foulée de la présidentielle de 2007, elle entame alors sa montée en puissance politique et médiatique.

Elle crève l'écran et devient, avec son père, la figure du FN pour les Français. Mais il lui manque encore un fief électoral. Le choix se porte sur le Nord désindustrialisé. D'abord à Lens (Pas-de-Calais), où elle réalise un bon score aux élections législatives de 2002. Pour la première fois, elle éprouve un discours hostile à la mondialisation et aux élites. Un discours qui fonctionne bien dans une région qui a vu ses mines fermer les unes après les autres. En 2007, elle s'enracinera à Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais.

Exit les historiques

Entre temps, elle est devenue la vice-présidente du Front national, en 2003, et parvient progressivement à éliminer Bruno Gollnisch, figure historique du parti, pour s'imposer comme l'avenir du FN. Son discours plus moderne, hostile aux débordements racistes, favorable à l'avortement et à un islam français, déplaît à l'intérieur du parti. Mais Jean-Marie Le Pen a décidé d'en faire son successeur. Un an avant de prendre officiellement la tête du FN, Marine Le Pen a déjà fixé sa colonne vertébrale idéologique.

Il est temps de prouver que nous sommes un grand parti, patriote, attaché à la souveraineté de la nation, à une économie qui lutte contre le mondialisme.

Marine Le Pen, vice-présidente du Front national en 2003

Le mondialisme, voilà l'ennemi pour Marine, qui s'est peu à peu substitué à la xénophobie de son père. Pour certains, ce n'est qu'un autre mot pour dire la même chose de manière plus policée. Pour d'autres, il y a là une rupture profonde avec un vieux FN qui n'a jamais détesté le capitalisme et le libre-échange. Mais cette rupture idéologique se double et se traduit par une rupture intime et douloureuse en 2015.

L'exclusion du père

La fille reproche au père d'être allé trop loin dans une interview qu'il a accordé au journal d'extrême-droite Rivarol, le 8 avril 2015. La sanction tombe : Jean-Marie Le Pen est exclu du Front national. 

Marine Le Pen assume : "Jean-Marie Le Pen devrait faire preuve de sagesse et arrêter ses responsabilités politiques", affirme-t-elle. La réponse de son père est cinglante : "J'ai honte qu'elle porte le même nom que moi", déclare-t-il aux médias. Il rappelle aussi qu'il a "largement favorisé la carrière" de sa fille.

Peut-être fallait-il tuer le père pour prendre le pouvoir ? Toujours est-il qu'en faisant disparaître le nom du parti et son nom de famille, Marine espère réussir là où son père a toujours échoué.

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