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Histoires d'info. Grève et opinion publique : les leçons de 1969

Dans le conflit entre le SNCF et le gouvernement, il y a une bataille de l'opinion publique. Qui la gagnera ? C'est l'un des enjeux de cette grève perlée qui doit avoir dans un premier temps jeudi et qui rappelle d'autres grèves, il y a près de 50 ans.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Des grèvistes en mai 1968 à Paris. (JACQUES MARIE / AFP)

La grève qui se prépare le jeudi 22 mars est une grève moins douloureuse a priori pour les usagers, même si, en face, le gouvernement évoque la "prise d’otage" des mêmes usagers.Tout cela nous dit à quel point, pour les acteurs du conflit, l’enjeu est celui de l’opinion publique.

La clef de l'issue du conflit

Tout se passe comme si celui qui parviendra à faire passer l’idée qu’il incarne et défend l’intérêt général aura gagné la bataille de l’opinion publique qui serait la clé de l’issue du conflit social. Cette idée n’est pas nouvelle. Revenons à cette année à la fin de l’année 1969. Une période très agitée sur le plan social, les grands mouvements de 1968 qui avaient fait plier le gouvernement ne sont pas si loin et les syndicats comptent bien entretenir la flamme de la contestation sociale. Mi-octobre 1969, la CGT se prépare à la grève EDF et GDF : "Il s'agissait d'un engagement solennellement pris à savoir la non revalorisation du salaire de base, le refus de réduire la durée du travail et le refus de réviser la grille des salaires. La remise en cause de cet angagement est incompréhensible. Le personnel des industries électriques et gazières et notamment celui que nous représentons est ulcéré et a décidé le principe de la grève. La consultation est aujourd'hui en cours."

Un bon mois plus tard, la grève est décidée

Couper l’électricité et le gaz dans le froid de novembre n’est pas très populaire. En mai 1968, les agents n’avaient coupé l’électricité que dans les quartiers chics et dans les ministères, voilà qui était nettement plus populaire…L’ORTF qu’on ne peut pas accuser d’être hostile au gouvernement, propose dans son journal de 20 heures un micro-trottoir où se dégage clairement une opinion publique en colère : "Vous abusez parce qu'on est là se grelotter." "Ce matin il faisait très froid et comme je n'ai pas de frigidaire, mes fleurs ont eu froid."

Au bout de quelques heures seulement, surprise, la CGT abandonne la grève

Le porte-parole du gouvernement, Léo Hamon, s’en félicite et pointe deux responsables à cette issue heureuse pour lui : "Les responsables du mouvement de grève avaient été conduits à réviser leurs positions. Devant les réactions d'une opinion heurtée par les perturbations infligées deux fois en moins de huit jours d'intervalle à l'ensemble de la population et devant la détermination du gouvernement."

La CGT aurait surtout reculé face aux rumeurs de manifestations spontanées d’usagers en colère, mais dans ce cas précis, le gouvernement a pu apparaître comme le garant de l’intérêt général contre l’égoïsme d’agents qui, qui plus est, ne payent pas l’électricité qu’ils utilisent. Fort de cette victoire, le gouvernement évoque la nécessité d’un service minimum. Mais cette atteinte au droit de grève se heurte à une opinion publique qui là, considère que l’intérêt général réside dans le maintien de ce droit de grève. On le voit, incarner l’état général est bel et bien l’enjeu des luttes sociales et cela déterminera encore probablement l’issue du conflit qui débute jeudi à la SNCF.

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