Daniel Ellsberg, le lanceur d'alerte qui a montré la voie
Retour le 15 juin 1971. Deux jours plus tôt, le New York Times a commencé à publier des extraits de documents ultra-secrets, qui ont fuité depuis le Pentagone. Ils jettent un voile très sombre sur l’engagement américain au Vietnam. Emmanuel de la Taille fait le point :
En moins de 48 heures, la bombe du New York Times a pris les allures d'une affaire d'Etat et relance toute la polémique sur la guerre. D'habitude, les pièces à conviction de l'histoire ne sortent, et encore, qu'une fois les passions apaisées. Cette fois-ci, les Américains toujours en pleine guerre peuvent découvrir chaque jour dans le New York Times ** 7000 pages, sur tout le processus de l'escalade américaine au Vietnam depuis vingt ans.
La première salve de publications insiste sur la responsabilité américaine dans le déclenchement de la guerre du Vietnam, notamment par des provocations ayant pour but de susciter une agression vietnamienne, justifiant ensuite l’intervention américaine, comme ce fut le cas dans le Golfe du Tonkin au début du mois d’août 1964. Les Américains découvriront que les Administrations successives leur ont largement menti.
Un grand jour pour la liberté de la presse
Plus largement, les milliers de pages du Rapport McNamara seront publiées par le New York Times , mais aussi par le Washington Post ou le Boston Globe . La justice l’a permis, malgré les plaintes déposées par l’Etat, faisant de cette publication une grande date pour la liberté de la presse.
Le lanceur d’alerte Daniel Ellsberg est rapidement identifié. Il faut dire qu’avant de contacter finalement la presse, l'analyste du RAND -un think tank public américain- avait tenté sans succès sa chance en alertant des politiques. L’Etat a porté plainte contre l’analyste, pour "vol et divulgation de secret d’Etat". Après des mois de procédures, Léon Zitrone apprend aux téléspectateurs français le verdict :
Le procès d'Ellsberg durait depuis de longs mois. Hier, le juge Byrne a conclu par un non-lieu. La thèse du juge en substance est la suivante : l'accusation s'est procurée des preuves qu'elle espère convaincantes en volant le dossier psychiatrique d'Ellsberg chez son médecin. Le juge a dit : je ne peux juger un homme avec des arguments obtenus de cette façon-là...
Chose incroyable, ce sont les plombiers du Watergate qui avaient volé les dossiers médicaux d’Ellsberg pour le charger davantage ; ce qui finalement -et paradoxalement- conduira à abandonner les poursuites. Ellsberg n’aura pas profité de la protection des lanceurs d’alerte, en raison de la violation d’un secret d’Etat. Un débat qui a également concerné Assange ou Snowden, deux héritiers d'Ellsberg. Ellsberg qui, il y a 45 ans, avait montré la voie, aujourd'hui suivie par le (ou les) mystérieu(x) responsable(s) des fuites des Panama Papers.
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