9 novembre 1918 : l'Allemagne devient une république
Trop peu, trop tard . Quand le Kaiser Guillaume II consent enfin à adopter un régime parlementaire, le mouvement est déjà lancé. La première secousse remonte à quelques mois, en janvier. La paix avec la Russie et les perspectives militaires qu'elle porte ne change rien au contexte difficile en Allemagne même. Quand 180.000 ouvriers berlinois se mettent en grève, ils sont rapidement suivis dans ce pays où le syndicalisme a fait des progrès considérables. Bien plus qu'en France. Et le mouvement qui touche la métallurgie menace l'effort de guerre. Blocus, inflation, économie au point mort. La vie des Allemands n'est pas facile non plus à l'arrière. De véritables disettes provoquent des dizaines de milliers de morts.
Le pouvoir a beau faire arrêter de nombreux grévistes , quelque chose s'est brisé. Le travail reprend, mais la contestation s'étend. Une atmosphère à la Russe qui commence à inquiéter jusque dans les rangs de la gauche modérée, de plus en plus influente au sein du SPD, qui glisse du marxisme au réformisme. Au fil des mois se profile en plus la certitude de la défaite militaire. Le haut commandement estime désormais que l'Allemagne a perdu la guerre sur le terrain.
Début octobre, Guillaume II accepte donc la fin de la monarchie absolue . Les sociaux-démocrates seront même invités au gouvernement. Une invite à double tranchant puisqu'ainsi, ils endosseront une partie de la responsabilité de la défaite. Le 28 octobre, la constitution impériale est modifiée. Le 29, les marins de la flotte se mutinent, à Kiel.
Des marins mutinés, des conseils d'ouvriers , un mouvement qui saisit le pays ville par ville, un pouvoir désemparé. L'Allemagne impériale s'apprête donc à suivre le même chemin que la Russie impériale. La gauche radicale saisit l'occasion. Une frange du SPD et ceux qui se sont baptisés spartakistes prennent les commandes de la contestation. Rosa Luxemburg et son compagnon de route Karl Liebknecht sont les figures emblématiques du temps. Les familles régnantes de ce pays à l'unité encore mal cimentée sont clairement visées.
Le 9 novembre, le gouverneur militaire de Berlin fait arrêter un membre de la mouvance révolutionnaire de la capitale et la ville bascule. Des cortèges ouvriers se forment et occupent les bâtiments publics. Le pouvoir ne peut plus compter sur les soldats : ils fraternisent avec les révolutionnaires. Car le moral de l'armée est aussi au plus bas.
En fin de matinée, depuis son quartier-général de Spa, en Belgique, Guillaume II abdique . En quelques heures, la monarchie est écartée. Pas question de régence. Le chef du SPD, Friedrich Ebert est nommé chancelier. Mais chancelier de quoi ? Comme la nature, la politique a horreur du vide. Et alors qu'Ebert envisage une assemblée constituante, un homme s'avance à une fenêtre du Reichstag. Il s'appelle Philipp Scheidemann. Il est aussi du SPD, mais il sait que la gauche radicale emmenée par Liebknecht n'attendra pas qu'une assemblée se réunisse et prépare un "coup" dans la journée même. Il tient un papier à la main. Un mot est inscrit dessus : république...
La révolution allemande, pour aller plus loin sur internet :
- Le 9 novembre 1918 en Allemagne . Article de John Lange sur le site Regards sur la Première Guerre mondiale 1914-1918. - A la mémoire de Karl Liebknecht . Dossier du périodique Floréal. L'hebdomadaire illustré du monde du travailSur le site Gallica-BnF. - Que veut la Ligue Spartakiste ? Article de Rosa Luxemburg publié pour la première fois dans le journal spartakiste Die rote Fahne , le 14 décembre 1918. - La Révolution allemande : Documents (octobre 1918 - janvier 1919) . Sur le site Smolny, collectif d’édition des introuvables du mouvement ouvrier.
Bibliographie :
Bibliographie autour de la révolution allemande proposée par Maria Contreras, de la bibliothèque de Radio France.
- Histoire de l’Allemagne contemporaine 1 : 1917-1962 , Gilbert Badia, Ed. Sociales, 1975 - Les spartakistes : 1918, l'Allemagne en révolution , Gilbert Badia, Aden éd. 2008 - Allemagne, 1918 : une révolution trahie , Sebastian Haffner, Complexe, 2001Aux racines du mal : 1918, le déni de défaite , Pierre Jardin, Tallandier, 2004 - Lettres du front et de la geôle, 1916-1918 , Karl Liebknecht, Ed. du Sandre, 2007 [Fac-sim. de l'éd. de Paris : Librairie de l'Humanité, 1924] - A bas la guerre ! A bas le gouvernement ! : le procès Liebknecht, Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht , Ed. de l'Epervier, 2011 - La révolution fut une belle aventure : des rues de Berlin en révolte aux mouvements radicaux américains (1918-1934) , Paul Mattick, L’Echappée, 2013 - Dans l'Etat le plus libre du monde , B. Traven, L'Insomniaque, 2011
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