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Quels mots pour parler des attentats avec les enfants, à l’école ou à la maison ?

France Info junior s’est rendu dans une classe de CM1-CM2 à Paris pour écouter et répondre aux questions des élèves, de retour à l’école après les attentats meurtriers de vendredi. Claude Halmos, psychanalyste spécialiste des enfants, répond à leurs questions.
Article rédigé par Estelle Faure
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 463630 min
  (Dans la bouche des enfants, les récits du week-end laissent place à ceux des attentats de ce vendredi 13 novembre [Photo d'illustration] © Fotolia)

Il est 8 heures passées dans le nord-est de Paris, l'école du quartier a son allure de lundi matin : des cartables à roulettes qui se frayent un chemin, des parents avec poussettes qui déposent leurs plus grands, le brouhaha de cour de récré. Si on tend l’oreille pourtant, ce matin ne sonne pas comme un lundi ordinaire. Dans la bouche des enfants, les récits du week-end laissent place à ceux des attentats. Dans la cour, si les élèves parlent de sport, c'est pour décrire la tête d'Evra pendant la première explosion survenue au stade de France. "J’ai entendu deux gros boums", "il paraît qu’il y a eu plein de morts" , "une dame a dit qu'il y en avait eu 30 là-bas". Pour en parler avec eux en classe, un peu avant la reprise des cours, les enseignants et la directrice se sont concertés pour s'organiser. Leur priorité : "écouter les élèves et leur donner la parole, mettre les bons mots" mais ne rien forcer non plus. Comme une redite des lendemains de janvier après l'attentat de Charlie Hebdo. Ils pourront s’appuyer sur les documents suggérés par leur ministère, quelques consignes aussi. Une minute de silence est prévue en milieu de journée, avant de reprendre les cours normalement et ne pas trop perturber le quotidien des élèves.

"Un peu le stress" en venant à l'école

À 8h30, en montant les escaliers qui mènent à leur classe, Edouard, 9 ans, raconte à ses copains que ce matin en venant à l’école, il avait "un peu le stress, il paraît qu’il reste des terroristes pas arrêtés". Dans la classe de CM1-CM2 de Dimitri, les élèves s’assoient sur les chaises disposées en cercle. Dans le calme et posément, l'enseignant prend la parole et le pouls de la classe, puis explique le déroulé un peu bousculé de la matinée, avant de laisser s'exprimer les enfants. "Vous avez dû entendre parler de ce qu’il s’est passé ce week-end, si vous avez envie d'en parler, je vous écoute." Tour à tour, les élèves lèvent la main dans le calme. La plupart des enfants prend la parole, quelques-uns restent en retrait. Ils posent leurs questions et racontent ce qu’ils pensent des attentats, surtout ils partagent leur incompréhension. C'est l'une des questions qui revient le plus souvent : pourquoi ? Edouard : "pourquoi on n’a rien fait et après ils nous tuent ?" Amyr : "pourquoi ils ont attaqué Paris ?". "Et pourquoi une salle de concert ?" renchérit Céleste, "pourquoi des jeunes ?" demande à son tour Capucine.

Mettre les bons mots, éviter les amalgames

Beaucoup de questions tournent aussi autour de mots qui sont revenus dans le flot de l’actualité : terrorisme, guerre, attentat,… "Est-ce que la France est vraiment en guerre ?" demande Thelma. "Mais si c’est une guerre, est-ce que ça va durer longtemps ?" rajoute Yaseen. Les élèves se questionnent aussi sur les responsables des attentats, leurs identités, s’ils ont "une cachette", s'ils sont toujours là. Petit à petit, les élèves parlent aussi ensemble de religion : "pourquoi la religion sert à tuer des gens ?" . Dora reprend : "mais c’est pas parce que c’était des musulmans qu’il faut détester tous les musulmans maintenant." Après avoir laissé s’exprimer les élèves, l’enseignant part de leurs mots pour éclairer certains points, les rassurer sur d’autres, expliquer que le quotidien changera un peu, qu'il y a des militaires et policiers pour protéger et enquêter, que les sorties scolaires sont annulées pour un temps. Le "repas du monde", qui devait rassembler bientôt parents et élèves d’horizons différents, est pour le moment mis en attente. Une annonce qui provoque une vague de soupirs dans l'assemblée des petites chaises. La lecture du numéro spécial d’Astrapi est aussi l’occasion de revenir sur ces mots martelés aux infos : terrorisme, islamisme… "Pourquoi ils parlent d’islamisme ?", demande Thelma. Dimitri en profite pour aborder ce qu’il se passe en Syrie et parler du groupe Daech (ou Etat Islamique) dont beaucoup ont déjà entendu le nom. Mais surtout l'occasion de parler de l’importance, le poids des mots : "L’islamisme et les musulmans, ce n’est pas du tout pareil" , rappelle-t-il plusieurs fois, pour éviter tout amalgame. Le temps de parole se termine par la lecture de deux poèmes, "J’atteste" d’Abdellatif Laâbi, écrit après les attentats de janvier. Dora commente : "c’est beau, ça rappelle la solidarité avec les gens qui ont des morts qui doivent leur manquer" . Il se clôt dans le calme avec les mots de Paul Eluard, "Liberté" , un texte que les élèves connaissent pour l’avoir déjà lu en janvier. Le poème est lu à haute voix par l’enseignant, jusqu’à la dernière strophe :

*« Sur la santé revenue

Sur le risque disparu

Sur l’espoir sans souvenir

J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer »*

Dans le silence de la classe, quelques élèves murmurent avec lui le dernier mot du poème : "liberté".

À ECOUTER AVEC LES ENFANTS ►►► Au micro de France Info junior, des élèves de CM1-CM2 ont posé leurs questions sur les attentats meurtriers de Paris. Pour leur répondre et aider à trouver les premiers mots pour parler aux plus jeunes, Claude Halmos, psychanalyste spécialiste des enfants. Vous pouvez écouter l'émission France Info junior, en cliquant sur "écouter l'émission" ci-dessous.

Pour aller plus loin...

À LIRE AVEC LES ENFANTS ►►►

Que s'est-il passé à Paris ? Comment se défend la France ? Le dossier spécial à lire sur le site d'actu pour enfants 1jour1actu

► Les journaux pour enfants, édition spéciale sur les attentats : Le Petit Quotidien (6-10 ans), Mon Quotidien (10-14 ans) et L'actu (pour les ados). Ils sont téléchargeables sur le site de PlayBac.

► Le dossier spécial d'Astrapi sur les attentats

Le P'tit Libé sur les attentats, mis en ligne sur le site de Libération

À VOIR AVEC LES ENFANTS ►►►

► Arte Journal junior du samedi 15 novembre, qui revient sur les attentats à voir en replay.

C'est quoi le terrorisme, les explications à hauteur d'enfant du magazine 1jour1actu

DES CONSEILS POUR LES PARENTS ►►► Pour vous aider à trouver vous-mêmes les mots, par Claude Halmos

POUR LES ENSEIGNANTS ►►►

► De nombreuses ressources ont été listées ce week-end par des enseignants et spécialistes de l'éducation. Vous pourrez en retrouver sur Eduscol, également ici ou en suivant le hashtag #educattentats sur Twitter.

► Pour les élèves plus grands, des conseils précieux sont aussi donnés pour apprendre à reconnaître les rumeurs et intox, comme par Les Décodeurs du journal Le Monde, la rubrique Désintox de Libération ou celle des Observateurs de France 24 sur la vérification des images.

 

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