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Français du monde. "Nuit des idées" : nouvelles technologies et déforestation à Bornéo

L’arrivée du téléphone portable et d’Internet accélère-t-elle la destruction de la forêt d’Indonésie ? 

Article rédigé par franceinfo, Emmanuel Langlois
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Edmond Dounias à Jakarta. "Les populations appellent de leurs vœux l’arrivée des acteurs économiques dans leur zone"  (© IRD - Evelyn Tetaert, Philippe Houssin)

Le développement du téléphone portable et d’Internet ont accéléré la destruction de la forêt indonésienne : c’est la thèse avancée par l’ethnologue Edmond Dounias. Il participera jeudi prochain, 31 janvier 2019, à Jakarta, à la table ronde organisée à l’Institut français dans le cadre de la 4e Nuit des idées.

Edmond Dounias a passé plusieurs longs séjours à étudier les Punan, cette population de chasseurs-cueilleurs qui vit au cœur de la forêt tropicale de Bornéo, l’une des plus importantes au monde. Il a constaté combien les nouvelles technologies pouvaient apporter de progrès dans ces régions reculées, mais pouvaient aussi semer le désordre.

Ici, tout a été rapide et massif

Il y a 20 ans, l’Indonésie était encore un pays en développement. Aujourd’hui, grâce à une croissance incroyable, on en parle comme de la 6e puissance mondiale à l’horizon 2030. Le Français a vu des familles se ruiner en achat d’unités pour pouvoir nourrir leur téléphone portable alors qu’elles n’avaient pas le minimum pour assurer leur subsistance au quotidien.

Ces tribus enclavées sont devenues schizophrènes, témoigne Edmond Dounias, écartelées entre leur gourmandise à accéder à la modernité : boire des sodas, porter des jeans, regarder CNN, et en même temps, pouvoir continuer à mener leur mode de vie en forêt, à courir après le sanglier ou aller collecter le miel en haut des arbres. Deux mondes inconciliables, et c’est vers les technologies qu’ils ont basculé, un fabuleux moteur de déculturation, dit le chercheur.

Edmon Dounias. "Pour que toute cette technologie arrive aux populations enclavées, il faut construire des bornes et des routes" (© IRD - Evelyn Tetaert, Philippe Houssin)

Au jour le jour

Conséquence, ces populations locales deviennent les propres acteurs de la déforestation. "Pour que toute cette technologie arrive à elles, il faut construire des bornes et des routes, explique Edmond Dounias. Elles doivent négocier leur territoire forestier avec l’agro-industrie, notamment du palmier à huile, avec les exploitations forestières et les gisements miniers. Elles appellent de leurs vœux l’arrivée des acteurs économiques dans leur zone, parce qu’avec eux, la technologie arrive également et elles y aspirent." 

A les avoir observées et étudiées pendant des mois, le Français témoigne aussi que ces peuples ont toujours vécu au jour le jour, sans se projeter et sans mesurer les conséquences à long terme de leurs choix. Même en ville, l’arrivée brutale de ces technologies a fait des dégâts.

Les accidents de la route n’ont jamais été aussi nombreux à Jakarta

Des accidents en hausse croissante depuis que les jeunes qui font le taxi sur leur deux-roues conduisent l’œil collé sur leur smartphone pour suivre leur itinéraire et aller chercher leur prochain client.

Rendez-vous jeudi prochain pour la 4e édition de la Nuit des idées, et un thème, "Face au présent", pour des conférences, rencontres, forums et tables rondes, mais aussi projections, performances artistiques... partout en France et à travers le monde. 

Lui écrire : edmond.dounias@ird.fr

Edmond Dounias. "Les populations doivent négocier leur territoire forestier avec l’agro-industrie, notamment du palmier à huile" (© IRD - Evelyn Tetaert, Philippe Houssin)

Aller plus loin

La 4e édition de la Nuit des idées  

Retrouvez cette chronique sur le site et dans le magazine de la mobilité internationale Journal des Français à l'étranger.fr

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