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Sanctions contre la Russie : la puissance fait-elle la force ?

Retour sur la crise ukrainienne. Une première volée de sanctions économiques ont été décidées par l’Union européenne et les Etats-Unis, après la décision de Vladimir Poutine de reconnaître l'indépendance des deux territoires séparatistes pro-russes du Donbass.

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le président russe Vladimir Poutine au Kremlin, à Moscou, le 21 février 2022 (ALEXEY NIKOLSKY / SPUTNIK)

De prime abord, la décision unilatérale de Vladimir Poutine pourrait apparaître comme une rupture du processus de négociation qui avait été entamé notamment avec Emmanuel Macron. Mais négocier, cela en passe pas uniquement par la discussion : les promesses et les menaces aussi font partie du processus de négociation. Or, à cette heure, l’Union européenne et les États-Unis menacent justement la Russie de sanctions plus importantes si la décision devait être prise d’annexer une partie du territoire ukrainien : c’est bien la poursuite d’une dynamique de négociation, fut-elle portée, désormais, par des moyens de pression.

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Toute la question est de savoir de quel côté penche le rapport de forces. Ce n'est pas évident car en négociation, le rapport de forces dépend d’un grand nombre de variables. Il ne se constate pas : il s’évalue. Et c’est précisément l’exercice auquel s’est prêté ce matin Clément Beaune, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes au micro de France Inter :

"C'est vrai qu'on a une dépendance à la Russie, sur le gaz et sur l'énergie. Et Vladimir Poutine en joue. Il faut quand même qu'en tant qu'Occidentaux, qu'Européens, on soit conscients de notre propre force. Les Russes sont beaucoup plus dépendants à notre égard." 

"La Russie a le PIB de l'Espagne, et 80% de ses exportations de gaz se font vers l'Europe. Donc nous avons des leviers, et nous pouvons imposer nos intérêts."

Clément Beaune, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes

à France Inter

Pour Clément Beaune, la situation est donc assez claire : le rapport de forces est à l’avantage des Européens. Mais cela semble plus compliqué. L’un des principaux arguments du secrétaire d'État pour évaluer le rapport de forces économique consiste à s’appuyer sur le PIB de la Russie. Il est exact qu’il est dix fois inférieur au PIB de l’UE. Mais, dire cela, c’est pointer un rapport de puissance. Or, le rapport de forces n’est pas le même que le rapport de puissance.

Pour le comprendre, il suffit de faire un parallèle avec le plan militaire. La puissance militaire combinée de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis est bien supérieure à la puissance militaire russe. Mais que signifierait une escalade militaire entre la Russie et les forces de l’OTAN ? En bout de course : une guerre nucléaire, probablement des millions de morts, ce qui n’est évidemment acceptable pour personne. Le rapport de puissance est asymétrique, mais le rapport de force est équilibré. Au fond, en négociation, peu importe la taille de votre adversaire : la seule chose qui compte, c’est de savoir s’il dispose d’un pistolet braqué sur votre tempe.

Les limites de l'arme économique

Et justement, en termes économiques, la Russie dispose d’un pistolet chargé à l’égard de l’Union européenne : l'énergie. 40% du gaz utilisé par l’UE est importé de Russie. Une rupture de l’approvisionnement serait dramatique pour l’économie et, au-delà, la vie quotidienne des Européens.

Mais la réciproque est vraie : comme le pointe Clément Beaune, l’économie russe est, elle, dépendante des importations européennes. C’est bien pour cela que les sanctions économiques disposent d’une certaine efficacité. Sur le plan économique, cela ressemble donc réellement à une situation d’interdépendance.

Mais, lorsqu'on cherche à estimer un rapport de forces, il y a d’autres critères qu’il faut prendre en considération, notamment l’influence des parties prenantes. Et en l’occurrence, il y a une partie prenante qu’il semble difficile d’ignorer : ce sont les opinions publiques. Au sein de l’Union européenne, on peut imaginer que les populations réagiraient assez mal à une augmentation drastique des prix de l’énergie. C’est un problème qui se pose moins nettement pour Vladimir Poutine, qui exerce le pouvoir avec autorité, voire de manière autoritaire.

Bref : difficile de savoir où tout cela va nous mener. Une chose est certaine : cela ne saurait être ramené à une simple question de PIB.

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