Métaphores fleuries et marqueurs métadiscursifs : la stratégie de communication très populaire de Fabien Roussel
Lors de l'émission de télévision "La France face à la Guerre", dans laquelle huit des douze candidats à la présidentielle se sont exprimés lundi 14 mars, Fabien Roussel s'est différencié des autres candidats par ses expressions familières et ses images très concrètes.
Huit candidats à l'élection présidentielle s'exprimaient en direct lundi 14 mars au soir dans l'émission de télévision "La France face à la Guerre", dont Emmanuel Macron. C’était la première participation du président sortant à une grande émission de télévision depuis sa déclaration de candidature, elle était donc très attendue. Le format de l’émission était tout entier pensé pour le chef de l’Etat car Emmanuel Macron avait prévenu qu’il ne participerait à aucun véritable débat avant le premier tour.
L'émission de lundi soir a donc consisté en une succession d’interviews, sans aucune interpellation directe entre candidats, un format qui limitait considérablement les opportunités de rompre la monotonie. C'était le cas du moins, jusqu’à ce que Fabien Roussel prenne la parole. Le candidat du Parti Communiste a alors semblé atteint par une curieuse obsession : celle du "porte-monnaie".
Cette expression est en effet revenue à quatre reprises en 15 minutes dans son discours. Certes, l'image est assez classique. Le porte-monnaie est une métaphore un peu vieillotte et largement fossilisée pour parler du budget des français. Mais c’est justement en cela que la parole de Fabien Roussel tranche avec celle de tous ses concurrents : il préfère parler en analogies concrètes plutôt qu’en concepts abstraits. Et lundi soir, au côté de sept autres candidats, cette caractéristique sautait aux yeux.
La station essence et le pistolet
Au cours du débat, Fabien Roussel a employé un florilège de métaphores, toutes plus fleuries et préparées les unes que les autres, à l'instart de cette phrase : "La station essence, c’est le seul endroit où on tient le pistolet, et où on se fait braquer." Le candidat communiste l'a prononcée en se levant et en regardant la caméra, afin de s’adresser directement aux Français les yeux dans les yeux. Preuve, si cela était nécessaire, que toutes ces figures sont des éléments de langage rédigés très en amont de l’émission. Il y a donc derrière ces phrases une véritable stratégie de communication.
L’objectif pour Fabien Roussel est de mettre en avant une image qui tranche avec celle des autres responsables politiques, de montrer que lui n’est pas du côté des élites, des intellectuels, des technocrates, mais du peuple. La preuve : il parle de manière populaire, avec des images très concrètes. C’est en tout cas le message qu’il souhaite renvoyer. Cela va même plus loin que les seules images car le propos du candidat communiste est parsemé de marqueurs métadiscursifs, tous ces petits mots qui nous permettent de produire un discours sur notre discours. En l’occurrence, chez Fabien Roussel, on a entendu : "Pas vrai ça ? Comment on va faire ? C’est pas possible, hein !" Cela commence tout de même à ressembler à une caricature de langue populaire.
Le maladroit "serrer le kiki" de Marine Le Pen
Il est difficile d'estimer avec certitude si cette stratégie est vraiment efficace. Il est certain qu’elle permet de singulariser le discours de Fabien Roussel, lors de cette émission "La France face à la Guerre", c’est l’une des voix qui tranchaient le plus. Néanmoins, le procédé est tellement utilisé qu’il peut finir par ressembler à une ficelle, ce qui pourrait amener les auditeurs à mettre en doute l’authenticité du candidat.
Au cours de l'émission de ce lundi soir, une autre oratrice a employé elle aussi une expression familière, mais avec cette fois-ci un résultat très différent. Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement National, a ainsi déclaré : "C'est un débat à avoir avec la grande distribution qui a tendance à leur [les agriculteurs] serrer le kiki." Marine Le Pen emploie donc l'expression "serrer le kiki", reprenant le procédé de Fabien Roussel. Mais ici, la figure lui échappe, elle tranche radicalement avec tout le reste du propos. C'est toute la différence entre une petite maladresse et une stratégie peut-être un peu trop appuyée.
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