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Les Jeux olympiques de la start-up nation

Tous les soirs, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.  

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Discours du chef de l'État le 13 septembre 2021, devant les Français médaillés olympiques ou paralympiques à Tokyo.  (MILLEREAU PHILIPPE / KMSP)

Cet événement est passé légèrement inaperçu. Emmanuel Macron recevait lundi 13 septembre à l’Élysée les médaillés olympiques et paralympiques français, et le chef de l'État les a ... sermonnés.

Tout commençait pourtant si bien : face aux athlètes français, le président de la République a d’abord pris le temps de rappeler leurs exploits, de vanter leurs mérites et de les remercier. Puis, il a abordé le cœur de son discours où il a insisté sur l’importance de s’illustrer lors des JO de Paris en 2024. Soudain, le ton a changé. "Les résultats sont là mais des progrès restent possibles. Le bilan global de ces Jeux olympiques n'est pas tout à fait au niveau que nous attendions. On sait que sur certains sports il est même mitigé et on ne peut pas construire une réussite si on ne se dit pas les choses en vérité. On doit faire beaucoup plus ... beaucoup plus ! Parce que ce sont nos Jeux, c'est à la maison et c'est attendu". 

Les athlètes français étaient donc venus à l’Élysée pour se faire sermonner. Sur le fond, Emmanuel Macron ne fait rien d’autre qu’affirmer l’importance géopolitique du sport. Ce n’est pas nouveau, il s’agit effectivement, pour la France, d’un enjeu de rayonnement à l’international. Mais il le fait face à des sportifs médaillés de surcroît et en public. Or, la coloration d’un message dépend en grande partie de son contexte d’énonciation. En l’occurrence, il est difficile de voir cette prise de parole autrement que comme une étonnante mise sous pression.

Des mots pas anodins

Toutefois, le chef de l'État est dans son rôle, il fixe un cap et donne les moyens d'y parvenir. Il a profité de cette réception pour annoncer un plan de soutien au sport de haut niveau. Mais c’est là que le discours devient très intéressant. Pour les mesures en elles-mêmes, chacun jugera. En revanche, les mots utilisés interpellent. : "Confier à un lieu d'expertise dédié, l'évaluation et l'accompagnement des cellules haute performance de chaque fédération, concentrer les moyens là où on a de la potentialité. Cette belle idée du pacte de performance, un dispositif de cordées du sport, inspiré des cordées de la réussite : concentrer nos efforts sur les profils et les disciplines à fort potentiel pour éviter de disperser les crédits sur une cible trop large et donner plus de leviers aux meilleurs".

On nage en plein vocabulaire technocratique et même, en pleine novlangue du nouveau management. Durant toute cette partie du discours, Emmanuel Macron a parlé du sport comme d’une entreprise qu’il allait falloir gérer rationnellement pour optimiser les résultats. Il est même allé un cran plus loin encore. "Nos voisins britanniques, pour ne prendre que cet exemple, investissent aujourd'hui moins de crédits publics que nous, ils ont pourtant des résultats supérieurs aux nôtres parce qu'ils ont aussi su changer complètement leur méthode, concentrer leurs moyens au moment de leurs propres Jeux olympiques". 

Nous sommes donc là en plein benchmarking : on recherche le meilleur retour sur investissement à l’aune de comparaisons internationales. C’est l’esprit de la start-up nation appliqué au sport.

Les mots ne risquent-ils pas de prendre le pas sur les mesures elles-mêmes ?

La connotation des mots est importante. C’est elle, bien souvent, qui donne à voir l’idéologie, qui guide chaque homme et chaque femme politique, et qu’ils et elles préfèrent souvent passer sous silence pour éviter de cliver. Par exemple, entre les expressions "charges sociales des entreprises" et "cotisations sociales des entreprises", il n’y a pas une différence de vocabulaire, mais une vision de la société et de l’économie différente.

Emmanuel Macron aurait pu insister sur les valeurs du sport, la beauté de l’effort, le dépassement de soi, l’importance du collectif. Il a préféré parler d’évaluation, de profils à forts potentiels et d’argent investi. Cela n’a rien d’anodin. À travers le sport et les Jeux olympiques, c’est bien une seule et même idéologie qui continue d’étendre ses ramifications : celle du management et du libéralisme. On peut s’en féliciter ou le déplorer. Mais il est bon, a minima, d’en avoir conscience.

 

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