Le président qui voulait "emmerder" une partie des Français !
Tous les jours, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.
Le président de la République, affirme mardi 4 janvier, dans une interview au journal Le Parisien, avoir "très envie d’emmerder" les non-vaccinés. Une rhétorique inhabituelle, dans la bouche d’un chef d’État. D'où cette question, que tout le monde se pose désormais : un Président devrait-il dire ça ? Sur le fond, en termes de gestion de la crise sanitaire, cette déclaration est-elle choquante ? Réponse : non. En réalité, Emmanuel Macron ne fait ici que répéter une position assumée depuis le début. "Vous l'avez compris, la vaccination n'est pas tout de suite obligatoire pour tout le monde, déclare le président de la République le 12 juillet dernier quand il annonce l'instauration du pass sanitaire. Mais nous allons étendre au maximum le pass sanitaire pour pousser le maximum d'entre vous à aller vous faire vacciner."
Le message est le même : le pass sanitaire ne procède pas d’une logique sanitaire, il n’est rien d’autre qu’un instrument politique permettant de faire pression sur les citoyens pour qu’ils acceptent de se faire vacciner. La forme, en revanche, n’a évidemment rien à voir. En assumant un tel registre, vulgaire et agressif, le président de la République témoigne d’une volonté manifeste de choquer.
Une volonté stratégique
Il est difficile, en premier lieu, de ne pas y voir un calcul électoral. Aujourd’hui, en France, une très grande majorité des électeurs sont vaccinés. Par cette provocation, Emmanuel Macron tente de se présenter comme leur protecteur, tout en incitant ses adversaires, Éric Zemmour, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en tête, à se positionner comme les défenseurs de la petite minorité des non-vaccinés. Sur le papier, c’est assez habile. Par ailleurs, il y a sans doute, aussi, une volonté de repositionner son image.
Emmanuel Macron adopte volontairement le champs lexical du quotidien : "emmerder" bien sûr, mais aussi "prendre un canon", "aller au restau ou au ciné". En termes de communication, cela s’inscrit dans ce que l’on appelle le "parler vrai", c’est-à-dire la volonté d’utiliser un langage naturel et relâché, pour tenter d’apparaître comme authentique et proche des électeurs.
Un résultat incertain
On peut émettre des doutes sur la portée de ce type de langage. D’une part, parce que les électeurs ne sont pas dupes, ils voient bien les ficelles. D’autre part, parce qu’ici, Emmanuel Macron n’est pas seulement familier : il est vulgaire, ce qui pose la question de la dignité de la fonction. Enfin, parce que se pose également le problème de la cohérence. "Il y a des mots qui peuvent blesser et je pense que ce n'est jamais bon, et c'est même inacceptable. Le respect fait partie de la vie politique. Et je pense qu'on peut bouger les choses sans blesser des gens. Et c'est ça que je ne referai plus, affirme Emmanuel Macron fin décembre, sur TF1, quand on lui parle de ses petites phrases chocs.
"On ne fait rien bouger, si on n'est pas pétri d'un respect infini pour chacun."
Emmanuel Macronfin décembre, sur TF1
En moins d’un mois, Emmanuel Macron aura donc promis une chose, et fait tout le contraire : pas sûr que ce soit la meilleure manière d’apparaître comme authentique. Certes, cette polémique peut paraître anecdotique alors que la France est confrontée à la cinquième vague de Covid-19. Notamment pour le mot "emmerder". Mais justement, l’essentiel de cette déclaration est ailleurs. Emmanuel Macron nous dit "j’ai très envie" d’emmerder les non-vaccinés. "J’ai envie". Il se positionne dans le domaine du désir, de la pulsion personnelle à laquelle il choisit de se laisser aller contre une partie des français. Ce vocabulaire n’est pas celui d’un président. C’est celui d’un souverain. Or, en France, le seul souverain, c’est le peuple. Emmanuel Macron ne gouverne pas les français. Il gouverne la France au nom des Français. Il ne se laisse pas aller à ses envies : il prend des décisions dans l’intérêt général.
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