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En un mot. Être vieux n'est pas être mort

Le mot de l'actu du jour est soignant. Cela n'aura échappé à personne. Surtout pas à Nathalie Bourrus.

Article rédigé par franceinfo, Nathalie Bourrus
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un Ephad à Limoges, en 2015 (illustration). (PASCAL LACHENAUD / AFP)

Soignant. Mot qui vient du latin somniare, qui signifie soigner. Mais aussi songer. Songer à quelqu’un, avoir de l’attention. Et c’est là que le bât blesse. "On ne peut plus avoir d’attention avec nos patients", clament les soignants des maisons de retraite. Leurs patients, ce sont nos parents, nos grands-parents, ceux que l’on "place dans des maisons", comme on dit.

Des professionnels sont donc censés s’en occuper, les faire manger, les laver, et même les langer. Personnes en vieillesse, devenues comme des bébés qu’il faut changer, parfois nourrir à la petite cuillère. Nous viendrait-il à l’idée de mal nourrir nos nourrissons ? De les laisser dans leurs excréments des heures entières ? De les laisser presque nus, à attendre un semblant de douche ? Non. Dans les Ehpad, il paraît que si. Mais que, bien évidemment, ce n’est pas pensé, que c’est devenu ainsi.

Des infirmières témoignent : on n'a tellement pas le temps, on fait du rendement, on s’occupe d’eux à la chaîne, c’est devenu insupportable. Banderole à la main, en face du ministère de la Santé à Paris, des aides-soignantes crient leur mal être. "Faire un pansement en deux minutes pour soigner des escarres, c’est horrible. C’est infaisable surtout", dit l’une d’elle. "On a envie de faire bien, mais on n'a pas le temps !"

Le manque, de temps, de tout

A la radio ce matin, j’entendais aussi une dame, qui a du "placer" son père dans une maison. "Il est atteint de démence. Ça doit être très très dur à gérer pour les infirmières… mais ce que je vois quand j’y vais, c’est terrible, c’est inadmissible", lance cette dame. Dans ces maisons, où l’on place nos vieux, le huis clos semble installé. Cette dame déclare se pointer à l’improviste quand elle va voir son père. Elle ne veut pas accabler le personnel soignant. Elle sait les difficultés, le manque de moyens, le manque d’argent, le manque de remplaçants … le manque de souffle, le manque d’idées aussi, le manque d’envie.

S’occuper des autres, des personnes devenues grabataires, presque inertes, mais pas mortes. Leur donner à manger, amener la cuillère jusqu’à la bouche. Donner un sens à leurs dernières années de vie. À l’Assemblée nationale, la ministre de la Santé a pris la parole : "J’ai aujourd’hui pris conscience de la difficulté de travailler dans un Ehpad, a-t-elle déclaré. J’ai deux priorités : la qualité de vie au travail, et aussi évidemment celle des résidents. Pour cela, une commission sur l’attractivité des carrières professionnelles sera mise en place."

En un mot : un peu comme avec les surveillants de prison, il a fallu des années de belles promesses, pour dégoûter suffisamment de volontaires, et finir par pleurer sur le sort de ceux qui nous ont donné la vie.              

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