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Islande : au cœur des "fermes à sang" controversées où des juments gestantes servent à fabriquer un "booster" de fertilité

En Islande, des éleveurs prélèvent du sang de cheval pour en récupérer une substance qui améliore la fertilité des animaux d’élevage. Une activité très décriée par les associations de défense animale.

Article rédigé par franceinfo - Jérémie Richard, édité par Ariane Schwab
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Une jument gestante subit une saignée dans une "ferme à sang" islandaise près de Selfoss, le 30 septembre 2022. (JEREMIE RICHARD / AFP)

Avec l'Argentine et l'Uruguay, l'Islande est l'un des rares pays au monde, et le seul en Europe, où l’on trouve des "fermes à sang". Ce sont des exploitations où le sang des juments en gestation est prélevé pour en extraire une hormone, appelée la gonadotrophine chorionique équine (eCG ou PMSG), produite par le placenta de l’animal. Cette substance est ensuite commercialisée dans le monde entier par l’industrie vétopharmaceutique pour améliorer le taux de reproduction des animaux élevés en batterie (vaches, brebis, truies...).

Cette industrie lucrative existe en Islande depuis plus de 40 ans. Le pays compte près de 120 "fermes à sang" mais une majorité du grand public les ont découvertes l’année passée après la diffusion par la Fondation pour le bien-être animal (AWF) d’une longue vidéo montrant des mauvais traitements infligés aux chevaux lors des saignées. Un immense choc dans la petite société islandaise. Mais pour Arnthór Gudlaugsson, directeur général de la biotech Isteka, plus grand producteur d’hormone eCG d’Europe, les images tournées en caméra cachée ont été conçues pour donner une description trop négative du processus. "Pour faire court, mon expérience personnelle de la vidéo est qu’elle était grossièrement inexacte, bien qu’inconfortable à regarder dans certains domaines", commente-t-il, laconique.

Une cause non "noble" 

Les images ont en tout cas permis d’identifier les fermes impliquées et l’ouverture d’une enquête par la police, toujours en cours. Car la pratique est controversée, d’abord, en raison de la quantité de sang prélevée : jusqu’à cinq litres par jument en quelques minutes à peine et à intervalles hebdomadaires pendant huit semaines. C’est trop pour les opposants à la pratique qui pointent aussi du doigt les questions de bien-être animal. Ces juments, souvent stressées avant les saignées, ne sont élevées que dans le but de donner leur sang toute leur vie et leur poulain est, pour la plupart, envoyé à l’abattoir quelques mois après leur naissance.

Et puis se pose une question éthique quant à l’utilisation de l’hormone. "En sommes-nous vraiment arrivés au point où l’on trouve normal de fabriquer un médicament pour les animaux de production uniquement pour améliorer leur fertilité au-delà de leur capacité naturelle, juste pour que nous ayons un flux stable de porc bon marché à disposition ?", interroge Rósa Líf Darradóttir, la vice-présidente de l’Association pour le bien-être animal d’Islande. Pour elle, "la cause n’est pas noble". La réglementation a été renforcée début août et doit permettre aux autorités de décider de l’avenir des "fermes à sang" en Islande d'ici trois ans.

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