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La Turquie, nouvelle poubelle de l’Europe pour les déchets plastiques qui sont censés y être recyclés

L’ONG Greenpeace alerte sur la hausse exponentielle des exportations de déchets plastiques européens vers la Turquie, et sur ses conséquences pour l’environnement.

Article rédigé par franceinfo - Anne Andlauer, édité par Léo Tescher
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Un conteneur rempli de déchets plastiques australiens arrivé en Malaisie,cle 28 mai 2019. (photo d'illustration) (MOHD RASFAN / AFP)

C'est une pratique répandue. Les pays développés, et donc les pays européens, exportent une partie de leurs déchets, tout simplement pour s'en débarrasser. C'est plus facile, puisqu'ils n'ont ainsi pas à les traiter chez eux, cela leur coûte moins cher, et c'est un commerce qui rapporte ! La Turquie achète en effet ces plastiques usagés pour les recycler et ainsi produire des matières premières utiles à son économie. En 2018, les importations de plastique lui auraient rapporté 770 millions de dollars, plus de six fois le coût de ces importations.

La Turquie a remplacé la Chine

Selon l’office européen des statistiques, Eurostat, les importations turques de déchets plastiques européens ont été multipliées par 173 en 15 ans, avec une accélération marquée ces dernières années. Rien qu’en 2019, la Turquie a importé plus de 582 000 tonnes de ces déchets européens, principalement du Royaume-Uni, d’Italie, de Belgique, d’Allemagne et de France. La raison principale est simple : début 2018, le plus gros importateur qu'était la Chine a cessé d’acheter la plupart des déchets recyclables. D’autres pays asiatiques ont pris des mesures similaires. Les Européens ont donc dû trouver une autre adresse pour leurs plastiques indésirables.

Des importations "grossièrement contrôlées"

Cette hausse significative des importations de déchets plastiques n'a pas pour autant été suivie d'un ajustement législatif en Turquie. Tout passe simplement par l’intermédiaire d’entreprises locales de recyclage, qui doivent tout de même obtenir une licence des autorités, mais c’est à peu près tout l’encadrement législatif existant. "Nous avons constaté aux postes de douane que les camions transportant ces déchets n’étaient que grossièrement contrôlés, ou pas contrôlés du tout, avant d’entrer dans le pays", dénonce Deniz Bayram. La codirectrice de programme chez Greenpeace Méditerranée s'inquiète : "On sait que ces déchets plastiques, lorsqu’ils sont transportés ensemble, peuvent provoquer des réactions chimiques… De même, on ne sait pas si tous les déchets qui entrent sont réellement des déchets recyclables et autorisés… s’il n’y a pas aussi des déchets toxiques et illégaux, des déchets médicaux par exemple."

Le scandale sanitaire de Kemalpasa

Cette absence de contrôles associée à l’arrivée massive de déchets est une porte ouverte aux abus. En 2018, à Kemalpasa, dans la province d'Izmir, sur les rives de la mer Égée, les équipes de Greenpeace Turquie ont découvert une décharge sauvage à ciel ouvert, remplie de tonnes de déchets plastiques, au beau milieu de zones agricoles. La grande majorité de ces déchets, principalement des emballages, étaient arrivés d’Europe. Pour Deniz Bayram, c'était un effet direct de la hausse des importations. "Il arrive que ces sociétés de recyclage qui travaillent sous licence n’aient finalement pas les moyens de recycler tout ce qu’elles importent. Rien ne les empêche alors de revendre leurs déchets à des entreprises qui, elles, n’ont pas de licence. On ne peut donc certainement pas dire que l’intégralité des plastiques qui entrent en Turquie sont recyclés." Ceux qui ne le sont pas se retrouvent bien souvent dispersés dans la nature. Greenpeace, qui a lancé la semaine dernière une pétition appelant la Turquie à interdire les importations de déchets plastiques, s’inquiète aussi désormais des risques de transmission du nouveau coronavirus via ces déchets européens.

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