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En Turquie, l’inflation est devenue incontrôlable : les prix des denrées alimentaires ont augmenté en moyenne de 70% en un an

L’inflation a atteint de nouveaux sommets en mars en Turquie. La guerre en Ukraine fragilise une économie turque déjà en crise.

Article rédigé par franceinfo - Anne Andlauer
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Aliment de base en Turquie, la tomate a augmenté de 192% entre mars 2021 et mars 2022 (illustration sur un marché d'Ankara). (ADEM ALTAN / AFP)

Les autorités turques ne parviennent pas à contrôler une inflation de plus en plus galopante. 61% sur un an et de nouveaux sommets atteints en mars, selon les chiffres officiels publiés en début de semaine.

C’est notamment dans le domaine de l’alimentation que la hausse des prix est la plus impressionnante : les denrées alimentaires et les boissons non alcoolisées sont en moyenne 70% plus chères aujourd’hui en Turquie qu’il y a un an. Un exemple avec les tomates, un indispensable du petit-déjeuner et de nombreux plats turcs : leur prix a augmenté de 192% entre mars 2021 et mars 2022.

L’inflation à deux chiffres est une constante en Turquie depuis 2017, mais depuis l’automne dernier, les chiffres s’emballent. La cause principale reste la politique monétaire du président Erdogan, qui refuse d’augmenter les taux de la Banque centrale et les a même baissés plusieurs fois ces derniers mois. Cela a provoqué une chute de la monnaie, la livre, donc une hausse du coût des importations. Et la guerre en Ukraine a aggravé la situation, puisqu’elle a entraîné, sur les marchés internationaux, une hausse des prix de l’énergie et de certains produits agricoles que la Turquie importe massivement.

Les tarifs de l'électricité ont bondi de 125% depuis janvier

Cette flambée des prix pousse de plus en plus de Turcs à faire des stocks, par crainte que les prix ne continuent d’augmenter, en particulier l’huile de tournesol, produit symbole de ce phénomène. La Turquie importe en effet plus du tiers de ses besoins, dont la moitié de Russie et 15% d’Ukraine. En février, avant la guerre, les Turcs la payaient déjà moitié plus cher qu’un an auparavant. Et depuis le début de la guerre, les prix ont encore bondi de 13%. Cela encourage effectivement certains à stocker, comme Rosita, une Stambouliote originaire des Philippines, qui brandit fièrement les dix litres d’huile achetés un mois plus tôt.

"J’ai payé 94 livres par bouteille. C’est un bon prix. Aujourd’hui, elles coûtent 150."

Rosita, une habitante d'Istanbul

à franceinfo

"Mes amis, ils regrettent. Ils me disent : ‘Tu as trop de chance d’en avoir plein !’ Je leur avais dit d’en acheter, mais ils ne m’ont pas écoutée. Donc oui, j’ai de la chance !" Rosita confie aussi avoir renoncé à certains produits devenus hors de prix comme l’huile d’olive, et tout faire pour réduire ses factures au maximum. Elle se chauffe uniquement avec un petit chauffage électrique qu’elle n’allume que 30 minutes par jour. Les tarifs de l’électricité ont bondi de 125% au début de l’année, après avoir déjà augmenté de 400% entre 2018 et 2021.  

Les autorités présentent ces difficultés comme conjoncturelles, comme étant liées aux marchés internationaux et, depuis fin février, à la guerre en Ukraine. Donc elles les relativisent et, dans le même temps, elles multiplient les baisses de TVA sur les produits de première nécessité. Le ministre des Finances a promis que l’inflation reviendrait à un niveau "raisonnable" d’ici la fin de l’année. Recep Tayyip Erdogan n’a pas trop le choix : le mécontentement gronde dans la population, et le président turc doit redresser la situation économique avant les prochaines élections, en juin 2023.    

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