En Turquie, la réforme du système des pensions alimentaires suscite la colère des associations féministes
En Turquie, le droit des femmes est en net recul ces dernières années. Les femmes les plus pauvres pourraient voir leur pension fortement diminuer.
En Turquie, le gouvernement provoque une fois de plus la colère des ONG de défense des droits des femmes. Il s’apprête à déposer au parlement une réforme du système des pensions alimentaires.
Encadrer la liberté des juges
Le code civil turc, dans son état actuel, laisse aux juges une grande liberté pour décider, au moment d’un divorce, qui peut toucher une pension alimentaire, dans quelles conditions et surtout pendant combien de temps. Cela veut dire, par exemple, qu’un juge peut accorder à une femme le droit de percevoir une pension de son ex-époux pendant le reste de sa vie parce qu’il estime qu’elle en aura besoin pour vivre.
Ce que le gouvernement veut faire, c’est encadrer la liberté des juges en instaurant une durée minimale et une durée maximale. La réforme obligerait les juges à indexer la durée de la pension sur la durée du mariage. Deux ans de pension, ce serait la durée minimale si le mariage a duré moins de deux ans. Trois ans de pension, ce serait si le mariage a duré trois ans, dix ans s’il a duré dix ans, et ainsi de suite. Dans des cas exceptionnels, si la femme est dans l’incapacité de travailler, le juge conserverait l’option d’une pension à durée indéterminée.
Par ailleurs, le gouvernement affirme avoir reçu de nombreuses plaintes d’hommes divorcés, qui expliquent que l’argent qu’ils versent à leur ex-épouse les empêche de fonder une nouvelle famille ou de se lancer dans un projet professionnel. Certains trouvent injuste d’avoir à s’acquitter d’une pension alimentaire ad vitam aeternam alors qu’ils n’ont été mariés que quelques années.
Les associations féministes vent debout
Les ONG de défense des droits des femmes font valoir que les juges n’accordent déjà pas de pension à vie aux femmes qui n’en ont pas besoin. Elles rappellent ensuite que le droit autorise celui qui s’acquitte d’une pension à se tourner vers la justice si sa situation économique se dégrade ou si celle de son ex-femme s’améliore. Il faut savoir, toutefois, que moins d’un tiers des femmes turques travaillent. Les ONG accusent donc le pouvoir de les enfermer dans le rôle d’épouse et de mère. Puis, lorsque ces femmes divorcent, de s’attendre à ce qu’elles trouvent "miraculeusement" un travail et ne dépendent pas d’une pension.
Le but est de rendre les femmes encore plus dépendantes des hommes pour qu'elles renoncent à divorcer.
Selin Nakipoglu, avocate et militante féministe
Les ONG citent notamment une étude menée il y a cinq ans, selon laquelle 75 % des femmes divorcées disent avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur ex-mari. Elles appellent donc les pouvoirs publics à ne pas se tromper de victimes.
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