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En Suisse, la psychiatrie a recours au LSD pour les patients en impasse thérapeutique

L'alerte avait été donnée à l’été 2021 par l’OMS : la pandémie de Covid-19 aura un impact "à long terme et d'une grande portée" sur la santé mentale. Et en effet, les demandes de consultations ont explosé. Un travail long et parfois improductif. Pour pallier aux cas les plus complexes, la Suisse a recours à la psychothérapie sous psychédéliques.

Article rédigé par franceinfo - Jérémie Lanche, édité par Ariane Schwab
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
La psychiatrie psychédélique consiste à permettre aux patients de se remémorer des événements parfois traumatiques ou bloquants avec des hallucinations beaucoup plus agréables (illustration). (BYCH   / MAXPPP)

Imaginez une grande pièce avec des murs blancs. Un peu comme à l’hôpital. Sauf que vous êtes allongés sur un grand pouf ou un matelas, avec un casque sur les oreilles qui diffuse de la musique. Pas question ici de s’allonger sur le divan et de discuter avec votre psy. C’est, en général, le lendemain que ça se passe.

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L’idée est de permettre aux patients de se remémorer des événements parfois traumatiques ou bloquants avec des hallucinations beaucoup plus agréables, non pas pour faire oublier le trauma mais pour montrer que la vie ne se résume pas à cela. Et ça fonctionne, explique le Dr Daniel Pires Martins, du département addictologie des Hôpitaux de Genève : "Le traitement psychédélique, c’est réellement une sorte de catalyseur. Ça permet d’ouvrir quelque chose par rapport à certains troubles, notamment les troubles anxio-dépressifs mais pas que. Les TOC… On a eu de très bons résultats avec l’anorexie aussi. C’est comme si quelque chose était très condensé."

"Beaucoup de patients ont dit : c’est comme si j’avais fait en très peu de temps, sur un mois, deux mois, un ou deux ans de psychothérapie."

Dr Daniel Pires Martins, psychiatre à Genève

à franceinfo

Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, le traitement sous psychédéliques est bien moins lourd qu’un traitement sous antidépresseurs qui ont beaucoup plus d’effets secondaires. Et les résultats sont aussi beaucoup plus rapides avec le LSD. Si la substance reste interdite et dangereuse, la Suisse fait partie des pionnières dans son utilisation en psychothérapie. Après tout, c'est un chercheur suisse qui a synthétisé la substance dans les années 1930. Mais chaque traitement nécessite une autorisation du ministère de la Santé. Le LSD et les autres psychotropes utilisés comme la psilocybine, principale substance psychoactive des champignons hallucinogènes, proviennent d’ailleurs de laboratoires spécialisés. Rien à voir donc avec ce qu’on trouve sur le marché noir. 

Pas pour tous les patients

Les patients n’ont le droit qu’à trois prises, trois séances espacées, en général de plusieurs mois. Mais le chef de service d’addictologie aux Hôpitaux de Genève, Daniele Zullino l’assure : il n’y a pas de risque de dépendance au LSD à l’inverse du tabac ou de l’alcool. Le risque est plutôt celui de banaliser la psychothérapie sous psychédéliques qui doit rester une solution de dernier recours pour des patients confrontés à une impasse thérapeutique. Et qui doit rester encadrée par des médecins : "Attendre trop de ces substances, les utiliser comme pharmacothérapie pour n’importe quelle indication est un risque. On peut faire du fric avec ça, souligne le Professeur Zullino. On peut imaginer le développement d'un business qui peut poser problème."   

Dernière chose, tout le monde ne peut pas bénéficier de cette forme de psychothérapie. Les femmes enceintes, les personnes cardiaques ou avec des tendances psychotiques, ainsi que des pensées suicidaires sont d’emblée exclues du programme. Jusqu’ici à Genève, une centaine de patients ont pu en bénéficier.  

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