En Inde, des villageois désarmés face aux crues du Brahmapoutre
Dans l’Assam, un État coincé entre la Chine, le Bangladesh et la Birmanie, coule un fleuve géant qui déborde de plus en plus de son lit, jetant des milliers de villageois sur les routes. La faute au changement climatique mais pas seulement.
Il y a quelques jours, le fleuve géant du Brahmapoutre est de nouveau sorti de son lit à l'extrémité est de l'Inde, submergeant villages et récoltes alentours. Quelque 1 200 villages de l'Assam se sont ainsi retrouvés sous l’eau et 600 000 personnes ont été affectées. Des camps de fortune aménagés par les villageois qui vivent dans les plaines inondées ont fleuri un peu partout.
Sur le bord de la route, nous avons rencontré des rescapés du village Pup-Deopani. Comme Anjuma Begum, 33 ans, qui survivait là, avec son mari et ses trois enfants, depuis deux semaines. "Nous avons été surpris par la montée soudaine des eaux qui a englouti notre village. Nous avons construit cet abri en bois dans l’urgence", raconte-t-elle.
Nous sommes une centaine de familles du village à vivre ici comme des rats ! Pas d’électricité, pas de toilettes, pas d’eau potable.
Anjuma Begum, une villageoise sinistréeà franceinfo
"Mon bébé a attrapé la fièvre à cause des moustiques et j’ai peur qu’il se noie, donc je l’ai attaché aux meubles", poursuit-elle. Après avoir été confinée, la famille d’Anjuma vient de perdre toutes ses récoltes de riz, la situation est donc très difficile pour ces agriculteurs.
Des crues aussi multiples que soudaines
Long de près de 3 000 kilomètres, le Brahmapoutre est alimenté par des dizaines d’affluents dans l’Himalaya chinois et indien ainsi que par l’eau des moussons. Avec le changement climatique, ces pluies deviennent de plus en plus erratiques et intenses, et la fonte des glaciers, elle, s'accélère chaque été. En fait, les populations de cette vallée sont assez habituées aux crues du fleuve, comme en témoigne l’architecture sur pilotis dans les villages. Mais ces crues sont désormais irrégulières et soudaines et les villageois n'ont plus le temps de s'y préparer.
Un autre problème majeur dans la région est l'érosion des terres. Des villages et des terres cultivables sont grignotés lors de chaque inondation, 80 kilomètres carrés partent chaque année selon le gouvernement. Mais le changement climatique n’est pas le seul responsable, explique Mirza Zulfiqur Rahman, spécialiste des conflits hydrauliques transfrontaliers : "La Chine revendique la souveraineté de l’État Indien de l’Arunachal Pradesh. L’Inde veut y marquer son territoire avec des infrastructures géantes."
Il y a une frénésie d’investissements et de construction de barrages sur les affluents du Brahmapoutre. Cette course industrielle entre l’Inde et la Chine est en train de détruire tout le cycle hydraulique et écologique de la région.
Mirza Zulfiqur Rahman, spécialiste des conflits hydrauliques transfrontaliersà franceinfo
En plus du changement climatique, le grand fleuve paie les frais de cette rivalité géopolitique et de la bétonisation des sols autour du fleuve. Les habitants de l’Assam en sont les victimes impuissantes.
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