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Seins nus ou soutien-gorge, c'est aux femmes de décider

Les seins des femmes attirent à nouveau l'attention après la phrase du garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti. La question du corps des femmes dans l'espace public peut se lier avec l'histoire du soutien-gorge.
Article rédigé par Marie Dupin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'histoire du soutien-gorge. Photo d'illustration (LUCIE WEEGER / MAXPPP)

Des sociétés de journalistes dénoncent des propos "inappropriés" et "sexistes" après la plaisanterie du ministre de la justice Eric Dupond-Moretti sur les seins que les journalistes auraient eu le bon goût de cacher lors de son déplacement à Aurillac. Le garde des Sceaux laissant entendre que les journalistes en question seraient de "vraies femmes" sachant se tenir quand celles qui montrent leurs torses auraient oublié toute mesure, au point d’écoper d’une amende pour exhibition sexuelle pour avoir montré leurs seins. Des seins dont histoire se confond avec celle du soutien-gorge, et de l’appropriation des corps des femmes dans l’espace public.

>>"Personne n'était devant moi les seins nus" : un enregistrement confirme les propos d'Éric Dupond-Moretti dénoncés par la SDJ de BFMTV

Une invention de libération au XIXe siècle

Apparu pour la première fois en 1889 lors de l’exposition universelle de Paris, en même temps que la tour Eiffel, le soutien-gorge a été inventé par une Française, Herminie Cadolle. Couturière hors pair, révolutionnaire féministe, elle a l’idée de libérer les femmes des corsets, ces instruments de torture qui comme le disait Victor Hugo coupaient "le corps des femmes en deux comme une guêpe". Avec l'invention du soutien-gorge, ou plutôt du corselet-gorge comme on l’appelait à l'origine, les femmes sont libérées.

Un symbole d'oppression en 1968

À moitié libérées puisque le soutien-gorge évolue au fil du temps dans le sens des injonctions imposées aux femmes par la société, et le regard des hommes. Dans les années 20 il aplatit, écrase, fait disparaître les poitrines car il faut avoir une silhouette à la garçonne. 20 ans plus tard, virage à 180°, il devient pigeonnant, puis "Wonderbra" dans les années 60, ou push-up pour augmenter le volume. Mais déjà couve la révolte. En 1968, des féministes américaines jettent leur soutien-gorge à la poubelle pour protester contre le concours Miss America, le soutien-gorge symbole d’émancipation devient symbole d’oppression.

Seins nus pour l'égalité des sexes

Après tout n'est-il pas le soutien-gorge l’héritier du corset, un demi-corset qui continuerait d’emprisonner les corps des femmes dans un carcan ? C’est ce que pensent en tout cas de nombreuses femmes qui aujourd’hui le jettent par-dessus bord aux cris de "No bra". Des femmes qui après avoir fait tomber le soutien-gorge tentent parfois d’aller plus loin, de faire tomber cette autre injonction de se couvrir le torse dans l’espace public en faisant tomber le tee-shirt, en montrant leurs seins, au nom de l’égalité avec les hommes dont le torse ne choque plus personne.

"Le 28 juillet 1830. La liberté guidant le peuple", d'Eugène Delacroix lors d'une exposition au Louvre consacrer au peintre. (PHOTOPQR/L'EST REPUBLICAIN/MAXPP)

L’égalité et la liberté, comme dans le célèbre tableau de Delacroix de 1830, La Liberté guidant le peuple, où l’on voit une Marianne topless sur le haut de la barricade. Près de 200 ans plus tard, on se prend à rêver d’une République guidant le peuple vers un monde où les seins des femmes ne seraient plus vus à travers le prisme de l’érotisme ou de la politique, mais juste comme des seins.

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