Culture d'info. Mohamed Kacimi : "Le régime algérien joue son dernier va-tout"
L'écrivain algérien vivant en France depuis le début des années 80 en est persuadé : le pouvoir militaire se sait condamné.
Romancier, dramaturge, essayiste, documentariste, Mohamed Kacimi suit depuis six mois le Hirak, le mouvement en arabe, qui chaque vendredi défie le pouvoir militaire. Il évoque le durcissement de la répression, l’hypothétique élection présidentielle et la fuite des capitaux à l’étranger.
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Mohamed Kacimi : Je pense que le système profite d’une sorte de détournement de l’opinion internationale. Autant ils étaient très attentifs à tous les débordements dans les premières semaines du Hirak, aujourd’hui ils pensent qu’ils ont les coudées franches et je pense qu’ils jouent leur dernier va-tout.
Ils savent qu’ils sont dans une situation désespérée où toutes les solutions, les propositions faites sont à côté de la plaque, le pouvoir s’estime à l’abri du regard de l’opinion et de la presse internationale qui est très verrouillée à Alger, et ils s’en donnent à cœur joie. Il y a un tir aux pigeons, c’est un officier qui est à la tête de l’Algérie et en bon militaire, il flingue et donne en pâture les gens, les uns après les autres, ceux qui ont approché de près ou de loin le cercle de Bouteflika. En même temps, il donne un grand tour de vis à la presse, notamment la presse en ligne, et aux grandes figures de l’opposition.
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C’est déjà un miracle qu’il n’y ait pas eu de débordement depuis 56 mois, connaissant l’histoire violente et sanglante de l’Algérie. Aujourd’hui, ce qui revient beaucoup c’est l’idée d’une grève générale. On ne peut pas, dans une société, où l’opposition a été laminée, atomisée, mise à l’écart pendant 20 ans, on ne peut pas, d’un claquement de doigt, réussir ce qu’est en train de réussir par miracle la Tunisie, passer d’une dictature absolue à un régime parlementaire ou présidentiel du jour au lendemain.
Depuis 6 mois, il y a des figures de l’opposition qui émergent, comme Karim Tabbou, qui a récemment été arrêté. Je pense aussi à des jeunes issus du rassemblement de la jeunesse algérienne qui ont une grande visibilité, mais cette obsession de ne pas être corrompu, de ne pas se laisser instrumentalisé, de ne pas être récupéré, en refusant d’avoir des positions, un programme et en se cramponnant à ce slogan "Qu’ils dégagent tous !", limite considérablement la marge d’intervention de ce mouvement.
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Mohamed Kacimi : Les élites ont toujours eu peur, c’est un régime de pillards qui a toujours détourné des sommes considérables, jamais pour les réinjecter en Algérie, mais toujours en les planquant aussi bien à Genève, New York que Paris. Ce n’est pas quelque chose de nouveau, ce régime a toujours été un régime qui se savait condamné depuis le départ, et qui a toujours fait évader ses capitaux pour les mettre à l’abri à l’étranger.
Écoutez l'entretien intégral avec Mohamed Kacimi
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