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"Les goûts et les couleurs", une ode à la musique sur fond de rapports de classes

Michel Leclerc n'a rien perdu de son charme dans cette comédie romantique souvent acide.

Article rédigé par Matteu Maestracci
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Michel Leclerc, à Deauville, le 9 septembre 2017. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

 Après Le Nom des gens ou La Lutte des classes, Michel Leclerc continue de réaliser des œuvres personnelles et originales, qui ne rentrent dans aucune case, et la plupart du temps sont servies par des comédiens idéalement choisis. Ici nous suivons Marcia, une jeune chanteuse passionnée et légèrement vieux jeu, qui s'est prise d'affection pour Darédjane, une artiste punk des années 1970 tombée en désuétude, et la convainc d'enregistrer un album avec elle, mais cette dernière disparait. Et Marcia doit désormais convaincre son ayant-droit Anthony, personnage prolo un peu rustre, de libérer les droits sur sa musique.  

Avec uns bel éventail de personnages, le réalisateur explore ici à nouveau les rapports de classes, sur fond de noblesse ou pas des goûts culturels des uns et des autres. Rebecca Marder est Marcia dans le film : "Ça pose la question de qui a le monopole du bon goût ? Qu'est-ce qui fait qu'une chanson qui fait danser, un peu plus "mainstream" serait moins noble, moins écoutable, qu'une chanson violoncelle-voix par exemple. Ça pose vraiment cette question-là. C'est une comédie romantique sur fond de lutte des classes, encore une fois. Et finalement les deux personnages vont finir par intervertir leurs places."

Une ode à la culture et la façon dont une oeuvre se pense

Les Goûts et les couleurs est aussi une ode à la culture, et plus précisément à la façon dont une œuvre se pense et se fabrique nous dit Michel Leclerc : "Moi je suis surtout attaché à la fabrication, poursuit Michel Leclerc. En l'occurrence, dans ce film, la fabrication de chansons. J'ai toujours rêvé d'être une petite souris, et par exemple regarder comment Lennon et McCartney composaient leurs chansons, même s'il y a le documentaire "Get Back" maintenant qui est formidable pour ça. Mais filmer ce que c'est qu'une chanson. Comment ça se fait qu'on utilise un mot plutôt qu'un autre ? Le rapport entre une mélodie, un texte, des arrangements... c'était vraiment le côté "artisanat" de la culture." 

Au casting, outre Rebecca Marder, on retrouve une étonnante Judith Chemla qui joue en même temps Daredjane jeune et âgée, Félix Moati crédible et petite frappe au grand cœur, sans oublier Philippe Rebbot et Artus, dans des seconds rôles à la fois antipathiques et hilarants.  

"Elvis", un biopic trop ample et parfois éprouvant

 "Un pour l'argent, deux pour le spectacle", le voilà donc enfin ce fameux biopic d'Elvis Presley signé de l'australien Baz Luhrmann, celui qui récupère des mythes ou textes classiques pour les passer à la moulinette de son art pyrotechnique et saturé (souvenez-vous : Roméo + Juliette ou Gatsby le magnifique). Rebelote ici, les 42 ans de la vie du "King" sont empaquetés dans une longue séquence de 2h40, avec beaucoup de passages d'ailleurs où l'écran est divisé en plusieurs parties pour en rajouter un peu plus.

Elvis laisse une impression mitigée, dans les choses positives on peut saluer la puissance des séquences musicales, ou encore la prestation habitée et charismatique du jeune Austin Butler. Du côté des défauts, on peut regretter que le film coche malgré tout les cases habituelles et chronologiques du biopic : enfance, gloire et décadence, tentatives psychologisantes, ou encore ce choix à la fin de reprendre de vraies images du King, sans oublier cette fâcheuse habitude quasi-sacrilège de Baz Luhrmann de remixer les tubes de Presley dans des soupes pop souvent atroces.  

"El buen patron", Javier Bardem en majesté

 Enfin, après un succès public phénoménal en Espagne et six Goyas, l'équivalent ibérique des César, El buen patron de Fernando Leon de Aranoa arrive en France. Le réalisateur retrouve dans le rôle principal Javier Bardem qu'il avait dirigé dans Escobar. Il est dans cette comédie, satyre sociale cynique, un patron paternaliste au discours dégoulinant de bons sentiments, mais aux actes bien moins honorables. Pour flatter son égo et obtenir un énième prix d'excellence cet entrepreneur qui a fait fortune en fabriquant des balances, symbole d'un sens de l'équilibre mis à mal par un scénario plein de rebondissements, ce notable de province ne recule devant rien. Pensant tout maîtriser en virant un salarié encombrant, il doit se salir les mains dans de sales besognes. Javier Bardem jubile d'incarner un vrai salaud au sourire imperturbable et Fernando de Aranoa pousse le public vers un rire coupable face à cette violence sociale débonnaire.    

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