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Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation : "Il va falloir faire face à la décroissance pour au moins un ou deux ans"

Dans "Chroniques du ciel", Frédéric Beniada s'entretient cet été avec des grands patrons du secteur aérien. Comment traversent-ils cette crise sanitaire, et quelles sont leurs perspectives pour demain ? Entretien avec Éric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation. 

Article rédigé par franceinfo, Frédéric Beniada
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation depuis 2013 (DASSAULT AVIATION / A. DASTE)

Comment Dassault Aviation a vécu et vit la crise sanitaire liée au coronavirus Covid-19 ? Entretien avec Éric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation.

franceinfo : Comment le groupe a-t-il vécu cette crise sanitaire et comment il s'y est adapté ? 

Eric Trappier : C'est pour commencer l'arrêt quasi complet du trafic aérien mondial, un arrêt total de la production. Le télétravail a toutefois permis de maintenir une certaine activité dans les bureaux d'études et dans le tertiaire, mais la fabrication s'est totalement arrêtée. Aujourd'hui, nous avons trouvé les moyens, repris le travail, même si nous conservons une partie de télétravail. Nous devons maintenant faire face à une crise économique sans précédent. C’est le sujet le plus préoccupant du moment, puisque cette baisse du trafic va entraîner des plans de restructuration, chez Airbus, Safran, Dassault ou Thales.

On ne connaissait que la croissance depuis plusieurs années, malgré la crise de 2008. Désormais, il va falloir faire face à cette décroissance pour au moins un ou deux ans.

Éric Trappier

à franceinfo

On sait que les compagnies aériennes sont les premières touchées, mais est-ce que l’aviation d’affaires n’a pas une carte à jouer ?

Certainement, l’aviation d’affaires est très utile au développement économique et, dans une période de reconstruction, ce sont ceux qui seront capables d’imaginer le futur en voyageant, en allant la rencontre de leurs clients, en créant de nouveaux défis, qui seront les émergents de demain. Et pour ce faire, il est nécessaire de connaître le monde, de voir ses clients et de voyager.

L’aviation d’affaires va bien quand l’économie va bien. Dans ce contexte, je ne sais pas si l’aviation d’affaires ressortira de cette crise affaiblie ou renforcée.

Éric Trappier

à franceinfo

Cette crise a accéléré la prise de conscience environnementale. En France, un plan a été annoncé pour soutenir le secteur, on parle de l’avion à hydrogène, on a parlé de l’avion électrique, qu’est-ce qui serait viable ? 

Les bureaux d’études, lorsqu’ils sont challengés, sont capables de faire des merveilles et surtout, dans l’aviation, nous sommes des pionniers. Nous savons que nous sommes capables de faire voler un avion avec de l’hydrogène à un horizon relativement proche. Après, il faudra s’assurer que ces produits sont vendables et que la plupart des compagnies aériennes mondiales pourront les payer, car s’ils achètent moins cher chez nos concurrents les technologies que l’on développera, nous disparaîtrons. La compétitivité en sortie de crise reste un sujet majeur.

On sait que le secteur fait beaucoup d’efforts en matière de développement durable, et pourtant, ça passe mal auprès du grand public ?

Il y a un problème de communication mais il faut relativiser. Nous sommes tous d’accord pour baisser l’empreinte carbone, mais il faut regarder ce problème à l’échelle mondiale. Les États-Unis, l’Inde et la Chine ne sont pas associés. La France, qui veut montrer l’exemple, doit travailler avec les instances internationales comme l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) pour porter les bons standards auprès de ces organisations mondiales. 

Deuxièmement, demain, est-ce que l’on ne va pas interdire les téléphones portables, puisqu’ils sont générateurs de données stockées dans des data centers ? Ces data centers consomment une énergie bien plus importante que l’aviation. Mais on voit moins les data centers puisqu’ils sont enfouis dans des sous-sols, on voit plus l’avion au-dessus de nos têtes. Il faut, certes, regarder le secteur pour réduire l’empreinte carbone mais en cumulant toutes les activités de l’homme sur Terre, que ce soit l’aérien, le bateau, la voiture et les data centers qui consomment beaucoup d’énergie.

Il est essentiel que les États-Unis soient parties prenantes de ce que l’on avait appelé la Conférence de Paris pour aider, au lieu de stigmatiser l’avion. D’autant qu’il est plus facile de le faire en France ou en Europe, mais ce n’est pas forcément vrai dans d’autres pays du monde.

Il ne faut pas être dogmatique. L’avion, c’est l’espace de liberté, un formidable outil de communication et de paix entre les pays. 

Éric Trappier

à franceinfo

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