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Quand les violences conjugales débordent sur le travail

Le travail des victimes de violences conjugales est évidemment impacté. Des réseaux de soutien de ces salariées se forment dans des entreprises.

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
En 2018, 121 femmes ont été tuées dans le cadre de violences conjugales, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. D'après des collectifs militants, ce total aurait d'ores et déjà été dépassé en 2019. Illustration. (BRUNO LEVESQUE / MAXPPP)

Depuis le début de l'année, 132 féminicides ont eu lieu en France. Et l'entreprise n'est pas épargnée par les violences conjugales. Quatre chercheuses qui ont travaillé dans six pays européens ont établi, dans une étude publiée jeudi 14 novembre, que ces violences ont des conséquences sur le travail des victimes et de leurs collègues. 

À travers cette étude, il apparaît clairement que les violences conjugales ne s'arrêtent pas à la porte du domicile, mais qu'elles débordent sur le travail. Sur les 40 000 salariées interrogées par ces quatre chercheuses, en France et dans cinq pays européens, deux sur dix ont déclaré avoir subi des violences conjugales qui ont eu des conséquences sur leur vie professionnelle. Cette étude, menée par OneInThreeWomen, premier réseau d'entreprises engagées contre les violences faites aux femmes, recèle de chiffres étonnants.

Ainsi, pas moins de 87% des salariés victimes de violences ont reçu sur leur lieu de travail des appels téléphoniques et des messages injurieux par SMS. 33% ont été destinataires d'emails et 27% de messages sur les réseaux sociaux. Il arrive même que la personne violente vienne poursuivre sa victime physiquement sur son lieu de travail ou à proximité. C'est le cas pour 57% des victimes. Autre manifestation du phénomène au travail : la personne violente prend contact avec les collègues (37% des victimes) ou menace de le faire (33% des victimes).

Le désemparement des collègues de travail

Dans l'entourage professionnel, seuls deux collègues sur dix savent quoi faire. Et pourtant cette enquête a été menée dans six entreprises engagées contre les violences faites aux femmes : Kering, L'Oréal, Korian, BNP Paribas, Carrefour et OuiCare. Mais il faut dire que les victimes parlent peu de leur situation. Seules 37% d'entre elles ont partagé leur situation avec un collègue. Pour les autres, elles ont eu peur, honte, ou craignent que les violences qu'elles subissent n'affectent leur travail ou leurs perspectives de carrière. Les collègues qui ont perçu les violences en sont donc réduits à interpréter des signes. En premier lieu, des troubles émotionnels, des blessures physiques, des changements dans la performance au travail, des absences ou des retards, ou au contraire un calme et une discrétion inhabituelle.

Le réseau OneInThreeWomen recommande de créer un réseau de porte-paroles contre les violences au sein de chaque entreprise, ou encore d'organiser des sessions de sensibilisation. Il y a quelques semaines, un hashtag a été lancé, un mot dièse que les salariés sont invités à choisir comme fond d'écran ou à afficher derrière leur bureau. Ce mot dièse, c'est  : #aidetacollègue. Un petit rappel qui dit que vous êtes prêt à écouter, à aider, une collègue qui aurait des problèmes de violence domestique. Un petit post-it, en quelque sorte, qui dit : "Si tu as besoin de parler, je suis là, je t'écoute".

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