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Mohamed devient Antoine : son employeur l'oblige à changer de prénom

Un employeur peut-il vous demander de changer de prénom ? C'est ce qui est arrivé à Mohamed Amghar, un ingénieur aujourd'hui à la retraite. Son entreprise l'a obligé à s'appeler Antoine. Il vient de saisir le conseil des prud'hommes.

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le Conseil des Prud'hommes de Niort (Deux-Sèvres). Illustration. (NOÉMIE GUILLOTIN / FRANCE BLEU POITOU / RADIO FRANCE)

Ce que veut Mohamed, c'est, selon son avocate, "une réparation morale et la restauration de sa dignité". Parce que pendant vingt ans, il a dû, à son travail, porter un autre prénom que le sien. L'histoire, rapportée par le journal Le Parisien, commence en janvier 1997, quand Mohamed Amghar se fait embaucher comme ingénieur commercial dans une entreprise de logiciels, à Rungis. Lors de l'entretien d'embauche chez Intergraph France, qui a changé de nom pour s'appeler aujourd'hui Hexagon PPM, son futur supérieur hiérarchique lui annonce : "Il va falloir changer de prénom". Il précise d'ailleurs qu'il ne faut pas choisir Philippe, parce qu'il y en a déjà deux.

"Une blessure intime"

Mohamed Amghar dit avoir été abasourdi, mais il a démissionné de son poste précédent, il est divorcé, il a trois enfants à charge. Alors il ne part pas en guerre. Pendant vingt ans il va s'appeler Antoine. "C'était une blessure intime, dit-il, j'y pensais tous les jours". Sur ses cartes de visite, sur sa signature électronique, et même sur ses fiches de paye, selon son avocate. Ses collègues l'appellent parfois Momo, mais c'est mal vu. Quatre d'entre eux ont d'ailleurs accepté de témoigner.

Parce qu'aujourd'hui, à 63 ans, maintenant qu'il est en retraite, Mohamed Amghar a décidé de demander réparation. Soutenu par la Licra, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, il vient de saisir le conseil des prud'hommes de Créteil pour harcèlement et discrimination raciale. Il demande plus d'une dizaine de milliers d'euros à son ancien employeur. Qui a d'ailleurs fait répondre, via le service de communication situé aux Etats-Unis, qu'elle n'avait pas connaissance d'une situation discriminante et qu'il n'y avait aucune preuve de ce que le salarié raconte.

Pour la jurisprudence, c'est une discrimination

Obliger un salarié à changer de prénom, c'est possible ? Pour le savoir, on peut se référer à ce que dit la loi sur les libertés individuelles au travail. Est-ce que l'employeur peut restreindre ces libertés ? Oui si la demande est "proportionnelle au but recherché" et "justifié par la nature de la tâche du salarié". Peu probable que les prud'hommes de Créteil estiment qu'il y ait proportionnalité. Surtout s'ils suivent un arrêt de la Cour de cassation de 2009. Un Mohamed, qui travaillait dans une maison de retraite, avait déjà dû s'appeler Laurent. Verdict : demander à un salarié de changer de prénom quand celui-ci traduit une origine ethnique, géographique ou l'appartenance à une religion est considéré comme une discrimination.

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