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C'est mon boulot. ArcelorMittal accusé de pollution : ce que recouvre la notion de "rupture de discrétion commerciale"

Un chauffeur de camion qui travaille pour un sous-traitant d'ArcelorMittal à Florange (Moselle) a révélé avoir déversé de l'acide dans la nature pendant trois mois. Il a été licencié pour "rupture de discrétion commerciale". 

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Un ancien intérimaire d'une entreprises sous-traitante pour ArcelorMittal à Florange affirme avoir déversé de l'acide dans le crassier du site pendant trois mois. (PIERRE HECKLER / MAXPPP)

Un chauffeur de camion d'une entreprise sous-traitante de l'usine ArcelorMittal de Florange (Moselle) a tiré le signal d'alarme : il affirme avoir volontairement déversé de l'acide dans la nature pendant trois mois. Il a été licencié pour "rupture de discrétion commerciale". 

C'est un motif de licenciement plutôt réservé aux cadres ou aux commerciaux. On peut être licencié pour avoir révélé, par exemple, un procédé de fabrication ou un fichier clients. Surtout si on a communiqué ces informations à la concurrence. Selon les conséquences d'un tel acte et s'il y a intention de nuire, on peut être licencié pour faute lourde. Une telle clause de discrétion commerciale n'a pas à être expressement écrite dans le contrat de travail. C'est le principe de loyauté qui s'applique, en l'absence de toute mention particulière. Tout salarié est censé être loyal à l'égard de son employeur et ne pas divulguer d'informations confidentielles fait partie de ce devoir.

Cette obligation de loyauté et de discrétion est-elle applicable à ce chauffeur ? Il faut reprendre les faits. Il s'agit d'un chauffeur à qui on a demandé pendant plusieurs mois d'aller déverser son chargement d'acide dans un dépotoir d'ArcelorMittal plutôt que de l'amener à un centre de recyclage, ce qui coûtait plus cher. Selon maître Paul Van Deth, spécialiste du droit du travail au cabinet Vaughan à Paris, il n'y a pas ici de rupture de la discrétion puisque l'homme en a parlé à un pompier travaillant pour ArcelorMittal. Il n'a pas révélé un secret de fabrication. Il n'y a pas de problématique commerciale.

On serait donc plutôt dans un cas semblable à celui des lanceurs d'alerte. Un statut qui concerne les salariés qui "révèlent ou témoignent de manière désintéressée et de bonne foi" des informations qui "constituent une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général dont ils ont eu personnellement connaissance" – en l'occurence un préjudice pour l’environnement. La loi Sapin II, votée en décembre 2016, les protège. Les lanceurs d’alerte ont la garantie de confidentialité et d'anonymat. Et surtout, la loi punit de 45 000 euros d'amende et de trois ans de prison toute personne qui fait entrave au processus de transparence enclenché par le lanceur d'alerte. Problème : la loi demande que le lanceur d'alerte en réfère d'abord à sa hiérarchie. Si celle-ci ne répond pas dans un délai raisonnable, il peut faire "fuiter" l'affaire à l'extérieur. Si le chauffeur porte son licenciement devant les juges, ils devront trancher ce point.

En bref

Les salariés préfèrent ne pas tout dire à leur chef. 87% d'entre eux pensent qu'il ne faut pas parler de ses problèmes personnels avec son chef, selon un sondage pour le site d'emploi qapa.fr.

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