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Cauchemars et risque suicidaire

Martin Ducret, médecin et journaliste au "Quotidien du Médecin", détaille aujourd'hui une étude française récente sur la relation entre cauchemars et tentative de suicide. Une étude qui porte sur les rêves et cauchemars de patients très dépressifs.
Article rédigé par franceinfo - Martin Ducret
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Selon une étude française récente, 80% des patients très dépressifs, interrogés dans cette étude, faisaient dans les quatre mois précédant leur tentative de suicide, d’abord des cauchemars, puis des rêves avec un scénario suicidaire. (Illustration) (DAVID WALL / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Et si l’analyse des rêves pouvait prédire une tentative de suicide ? C’est ce que suggère une étude française pilotée par le Professeur Pierre Geoffroy, psychiatre et médecin du sommeil à l'hôpital Bichat et au Centre ChronoS à Paris, qui a analysé la survenue de cauchemars chez des patients souffrant de dépression. Le suicide, actuellement dans le monde, fait plus de morts que les guerres, le VIH ou les meurtres.

Expliquez-nous précisément cette étude ?

Les auteurs de cette étude se sont demandé de quelle manière rêvent des patients très dépressifs, plusieurs mois avant qu’ils tentent de se suicider. Un peu à la manière de Sherlock Holmes, ils ont cherché à savoir si les cauchemars étaient des indices prédictifs d’une tentative de suicide.

Et la réponse est oui ! 80% des patients faisaient dans les quatre mois précédant leur tentative de suicide, d’abord des cauchemars, puis des rêves avec un scénario suicidaire, c’est-à-dire qu’ils rêvaient de comment ils allaient se suicider. 

L’analyse des rêves s’avère donc un outil simple pour prédire une tentative de suicide ?

Oui, tout à fait. Le principal auteur de l’étude, le Pr Pierre Geoffroy, psychiatre à l’hôpital Bichat à Paris, m’a signalé “la difficulté à l’heure actuelle de prédire une tentative de suicide. L’étude des rêves est un outil facilement accessible. Il suffit simplement d’interroger les patients sur leur sommeil.”

Et quand on sait que le suicide fait plus de morts dans le monde que les guerres, le VIH ou les meurtres, particulièrement chez les jeunes, l’analyse des rêves pourrait surement sauver beaucoup de patients !

Au vu des résultats de cette étude, le contenu des rêves, et plus largement la qualité du sommeil, sont donc des marqueurs essentiels de notre état de santé ?

Oui, et pas seulement chez les personnes dépressives. D’ailleurs, j’essaye de poser systématiquement ces questions à mes patients : Etes-vous fatigué ? Dormez-vous bien ? Dormez-vous assez ? Je constate fréquemment que leur sommeil est négligé.

Et ce constat ne s’arrête pas aux portes de mon cabinet : le temps de sommeil moyen des Français est inférieur à 7 heures, et n’est pas toujours de bonne qualité. Un vrai problème de santé publique, sachant que le manque de sommeil augmente le risque de survenue d’un grand nombre de maladies.

Mais alors si on fait des cauchemars avec un scénario suicidaire, est-ce qu’on doit forcément aller voir un professionnel ?

Non, bien heureusement. Que les auditeurs se rassurent, faire des cauchemars de temps en temps, c’est tout à fait normal. Les rêves, bons ou mauvais, permettent de consolider notre mémoire, et de réguler nos émotions.

Ils sont une sorte de “thérapie nocturne” où l’on rejoue des scènes du quotidien, de manière surréaliste, pour se sentir mieux dans la vraie vie. Mais chez certaines personnes, la machine s’enraye, les cauchemars deviennent récurrents et la qualité du sommeil est altérée. C’est dans ce cas qu’il faut en parler à son médecin.

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