La canicule... difficile aussi dans les têtes
Si les épisodes caniculaires ont des effets physiques sur chacun d'entre nous, ils ont aussi des effets psychologiques forts. Décryptage avec la psychanalyste Claude Almos.
Nous venons de vivre pour la première fois, un épisode de canicule au mois de juin. Il a compliqué le fonctionnement de beaucoup d’entreprises et la vie de beaucoup de parents qui n’ont pas pu envoyer leurs enfants à l’école parce que la température y était trop élevée. Et il a été difficile à vivre, physiquement, pour beaucoup de gens.
franceinfo : Mais un tel épisode est-il difficile aussi psychologiquement ?
Claude Almos : Un épisode de canicule comme celui-ci, et ce qu’il laisse craindre, est difficile à vivre, psychologiquement, pour tout le monde. Certaines personnes en sont tout à fait conscientes, et on parle à leur propos "d’éco anxiété". D’autres ne le sont pas, mais elles sont néanmoins affectées, parce que ce qui se passe dans la société constitue, même si nous ne le percevons pas, une sorte de toile de fond sur laquelle se déroulent nos vies personnelles.
Et donc un fond soit d’un optimisme collectif qui nous soutient, soit d’une inquiétude ambiante qui, à notre insu, pèse sur nous, et nous fragilise pour affronter nos problèmes individuels (familiaux ou autres).
Cette canicule a eu quels effets sur nous ?
Elle a eu des effets d’autant plus importants qu’elle nous a fait revivre des choses que nous avions déjà vécues lors du confinement. En premier lieu le sentiment d’une impuissance à le fois personnelle, et collective. Comme si le Covid-19 et les dérèglements climatiques nous ramenaient à un monde d’avant la science, où la seule solution était d’essayer d’échapper à une nature sur laquelle on ne pouvait pas agir. Et puis une incertitude quant à l’avenir (pour soi, et ses enfants) qui est très angoissante.
Et les effets de cette canicule (comme du confinement, d’ailleurs) ont été aggravés par les conditions de vie, et particulièrement pour les gens mal logés : dans une "passoire thermique", la chaleur vous rappelle physiquement, et à chaque seconde, votre situation financière. La réalité du réchauffement climatique s’est donc imposée à beaucoup de gens, d’une façon très brutale, et sans échappatoire, parce qu’on peut réussir à se persuader, comme les " complotistes", que le Covid-19 n’existe pas. Mais nier la chaleur, quand elle vous écrase, c’est plus compliqué…
Que peut-on conseiller aux personnes qui s’inquiètent ?
Il faut leur conseiller de transformer leur inquiétude en action, parce que, même si nous sommes renvoyés imaginairement à des temps où la science n’existait pas, aujourd’hui elle existe. Elle explique les causes du réchauffement, et ce qu’il faut faire pour le combattre.
On peut donc participer à des actions par rapport au climat et, de cette façon "soigner" la réalité, mais aussi se soigner soi-même, en sortant d’une position d’impuissance et de solitude, où l’on ne peut que subir, et s’angoisser. On peut rejoindre les autres pour, en luttant avec eux, prendre conscience du pouvoir que l’on a de faire reculer le danger. Et c’est le meilleur remède contre les sentiments dépressifs qu’il peut faire naître.
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