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Élection présidentielle : le poids de la dimension psychologique

Lors de l'élection présidentielle, la dimension psychologique a joué un rôle très important et il y a des leçons à en tirer. Décryptage avec la psychanalyste Claude Halmos. 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un homme s'apprête à voter, le 24 avril 2022. (JEAN-BAPTISTE QUENTIN / MAXPPP)

Depuis dimanche les analyses à propos de l’élection présidentielle, remportée par Emmanuel Macron, se sont multipliées. Elle a été analysée du point de vue politique, du point de vue économique, et du point de vue sociologique. Tentons un décryptage avec la psychanalyste Claude Halmos.

franceinfo : Pensez-vous que l’on puisse en faire aussi une analyse psychologique ?

Claude Halmos : La dimension psychologique a joué dans cette élection un rôle très important et il y a des leçons à en tirer. Les électeurs de Marine le Pen, quand ils expliquent leur vote, mettent en avant deux choses : d’une part leurs souffrances matérielles, dues à leur situation économique. Et d’autre part (en leur accordant, il faut le souligner, autant d’importance) les souffrances psychologiques qui en découlent pour eux. Ils disent leur sentiment d’être condamnés à une vie sans argent (et donc sans liberté de choix), sans plaisir, et dans une inquiétude permanente ; leur peur incessante de l’avenir, etc. Et surtout, et cela a été souligné mille fois, ils disent le sentiment qu’ils ont que toutes leurs souffrances, les politiques "s’en foutent". Avec l’impression que cela leur donne de ne pas compter ; et l’humiliation qui en résulte pour eux, qui a été centrale dans leurs choix. Tout cela a pesé sur l’élection.

De quelle façon ?

Ces électeurs se décrivent dans un état de détresse matérielle et affective qui évoque l’enfant abandonné qui attend désespérément l’adulte qui pourrait le sauver mais serait capable, surtout, de reconnaître ce qu’il vit, et de lui manifester de la compassion. Quand un électeur est dans cet état, si l’on se présente comme la personne qui enfin comprend sa douleur, on a toutes les chances de le rallier à sa cause. Et de faire apparaître l’adversaire comme celui qui, ne manifestant pas cette écoute et cette compassion, est un autocrate dur, autoritaire, et sans affects. Marine le Pen a su très bien jouer cette carte. Elle a donné l’image d’une femme ancrée dans la réalité quotidienne, proche des gens, et à leur écoute ; c’est à dire l’image d’une figure maternelle secourable. Et, à partir de là, les critiques faites à son programme n’étaient plus audibles. Parce que, pour les enfants, les mamans sont supposées avoir, toutes, des baguettes magiques.

Vous disiez qu’il y a des leçons à en tirer ?

Oui, parce que Marine le Pen a pu apparaître d’autant plus providentielle que les émotions et les souffrances psychologiques qui proviennent, pour les citoyens, de leur vie sociale, ne sont jamais prises en compte ni par les politiques, ni par la société en général. On fonctionne avec l’idée que la psychologie serait déterminante dans l’intime, mais secondaire dans la vie sociale. Or, c’est faux, cette élection le montre, et il faudrait l’entendre. Parce que, dans un contexte où le désespoir et la colère ne sont plus rassemblés par les organisations politiques, pour des combats démocratiques, mais par les réseaux sociaux qui les transforment souvent en haine, oublier que les citoyens ont un psychisme et des émotions peut devenir à terme très dangereux.

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