C'est dans ma tête. Procès de Killian à Nice, quand un adolescent se transforme en tueur
Le procès de Killian, 19 ans, se déroule à huis clos depuis le début du mois de mars, à Nice devant la cour d'assises des mineurs des Alpes-Maritimes. Killian était mineur à l'époque des faits, le 16 mars 2017. Comment un adolescent, un lycéen peut-il, du jour au lendemain, se transformer en tueur ?
Il y a trois ans, le 16 Mars 2017, alors qu’il n’avait que 16 ans, Killian B. avait ouvert le feu dans son lycée de Grasse, et fait cinq blessés. Les fusillades de ce type sont, on le sait, rares en France, alors qu’elles sont beaucoup plus nombreuses aux États-Unis (on se souvient de celle de Columbine, en 1999) mais néanmoins, elles nous interrogent.
franceinfo : Comment un adolescent, un lycéen peut-il, du jour au lendemain, se transformer en tueur ?
Claude Halmos, psychanalyste : Chaque cas est particulier, bien sûr, et je ne peux pas parler de Killian, puisque je ne l’ai pas écouté. Mais, d’un point de vue général, la première chose que l’on peut dire est que les histoires comme la sienne sont toujours perçues, par un "psy", comme un immense gâchis.
Pourquoi ?
Parce qu’un adolescent ne se transforme jamais, du jour au lendemain, en tueur. Un passage à l’acte peut effectivement surgir un beau matin. Mais il a toujours des racines profondes, et qui remontent à loin. Et on peut parler de gâchis, parce que l’explosion qui se préparait a toujours donné des signes avant de se produire, et que, si ces signes avaient été entendus, elle aurait sans doute pu être évitée.
Que voulez-vous dire ?
Pour faire un passage à l’acte de ce type, il faut aller très mal, et depuis très longtemps : un garçon qui va bien ne se réveille pas un beau matin en se disant qu’il va tuer tout le monde. S’il le fait, c’est d’une part que, en lui, certaines barrières psychiques n’ont pas été construites, et qu’il peut tuer ; tout le monde ne peut pas tuer. Et d’autre part que, même s’il paraît à peu près intégré dans la vie réelle, il vit en fait, au moins en partie, en dehors de la réalité, dans un monde imaginaire, et peut-être même un peu délirant.
La question est en effet de savoir ce que ce garçon aurait voulu inconsciemment tuer, en tuant les élèves et les enseignants de son lycée, de quoi ils étaient devenus pour lui, inconsciemment, le symbole, et pourquoi. Lui seul pourrait le dire. Mais, quoiqu’il en soit, il faut avoir, pour en arriver là, une histoire familiale lourde, et des difficultés à vivre ; et être resté sans aide, parce que personne ne s’en est aperçu.
On a dit qu’il était fasciné par la tuerie de Columbine…
Cette fascination, par exemple, aurait dû inquiéter. Parce que les tueries, ou les attentats, ne fascinent que des gens qui sont, du fait de leur histoire, habités par un imaginaire de violence, et de mort. Et c’est très dangereux, parce que ces évènements peuvent leur servir de modèles, et les aider à passer du fantasme de tuer, au meurtre réel.
Et l’exemple de Columbine est particulièrement dangereux, parce qu’il exprime, outre la folie du tueur, celle de la partie de l’Amérique qui, en banalisant les armes, banalise le meurtre et la mort, et favorise de ce fait les passages à l’acte de personnes fragiles.
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