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C'est dans ma tête. La patience des Français : à rude épreuve !

On a beaucoup parlé de docilité, de fatalité, d'incertitude face aux mesures que la crise sanitaire nous impose, mais beaucoup moins de patience. L'éclairage de la psychanalyste Claude Halmos qui souligne que les Français ont supporté beaucoup depuis un an. 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
A Nice, le 26 février 2021, une manifestante tenant sa pancarte "Liberté !" proteste contre les mesures de confinement décidées pour la ville pour deux weekends. Les Français ont beaucoup supporté depuis un an. De nouvelles privations de liberté, c'est difficile à admettre.  (VALERY HACHE / AFP)

On a beaucoup parlé d’incertitude des Français, beaucoup moins de patience et d’impatience, face à toutes les contraintes que l’on espère voir levées le plus tôt possible. Pourtant les Français, dans leur majorité, font preuve, en les respectant, d’une grande patience ; que certains critiquent, d’ailleurs, en les accusant d’être dociles et soumis. Nous en parlons aujourd'hui avec la psychanalyste Claude Halmos. 

franceinfo : Pensez-vous que l’on puisse dire que les Français sont patients, ou vous semblent-ils seulement dociles et soumis ?    

Claude Halmos : Parler de l’attitude des Français en termes de "patience" me semble problématique parce que cela minimise les efforts qu’ils ont à faire, pour supporter ce qu’ils supportent depuis un an.  

Que voulez-vous dire ?  

On peut parler de "patience" quand on demande à quelqu’un de supporter que la satisfaction de son désir soit différée ; c’est-à-dire de renoncer au "principe de plaisir" (je veux tout, tout de suite), et d’accepter le "principe de réalité" : la vie n’est pas magique. Ce qui est positif (et on l’explique d’ailleurs aux enfants) parce qu’accepter que tout ne soit pas toujours idéal, n’est pas facile, mais donne la capacité de trouver du bonheur dans le monde tel qu’il est. Mais ce n’est positif que si la satisfaction est seulement différée, c’est-à-dire si l’on est sûr qu’elle arrivera, et si, par ailleurs, on a une vie où l’on ne manque pas totalement de satisfactions.       

Et si ce n’est pas le cas ?  

Si ce n’est pas le cas, on n’est plus dans la frustration, normale et supportable, on est dans la privation, qui est une violence douloureuse et destructrice (les privations permanentes dues à la pauvreté, par exemple, sont génératrices de souffrances psychologiques). Et si, dans ce cas, on demande à quelqu’un de la patience, c’est une violence de plus, parce que l’on ne tient pas compte de la gravité de ses souffrances.

Or, les Français vivent actuellement de véritables privations. Ils sont privés de choses essentielles à leurs vies (les sorties, les rencontres, le sport, la culture, les projets), depuis longtemps, et sans savoir jusqu’à quand. Et beaucoup craignent même aujourd’hui de ne jamais retrouver leur vie d’avant. Ce qui explique d’ailleurs, même chez les plus solides, les sentiments dépressifs. On ne peut donc plus, à ce stade, se contenter de parler de patience  

Peut-on dire alors que les Français sont soumis ?  

Non. Être soumis, c’est accepter d’être dominé par d’autres. Or, les Français acceptent toutes ces privations, de leur propre chef, parce qu’ils sont conscients du danger, et responsables. Mais cela leur coûte, psychologiquement, beaucoup.

Il serait donc très important de le reconnaître ; de poser que leurs envies que les cafés, les cinémas, rouvrent ne relèvent pas de l’impatience, mais d’un désir de vivre qui est normal, et légitime, même s’il ne peut pas être encore satisfait. Et de les appeler non pas à la patience, mais à essayer d’inventer, à la fois individuellement et collectivement, des moyens de supporter cette situation qui est psychologiquement, particulièrement éprouvante.   

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