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C'est dans ma tête. "La Ligue du LOL" ou la mise à mort déguisée en "mauvaise" blague

Le déferlement de cyberharcèlement que "La Ligue du LOL" a fait subir depuis 2009 à des journalistes et blogueurs, notamment des femmes, a été pour les victimes "une source de souffrance épuisante". Des agissements pervers, explique la psychanalyste Claude Halmos, qui visent toujours, d'emblée, la souffrance de l'autre. 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Les membres de "La Ligue du LOL" ont harcelé leurs victimes sur les réseaux sociaux durant des années. (VINCENT WINTER / FRANCEINFO)

Des déclarations récentes ont donc révélé l’existence d’un groupe Facebook, "La Ligue du LOL", composé d’une trentaine de journalistes et de communicants, qui a organisé, au début des années 2010, des campagnes de harcèlement, dont ont été victimes des hommes, mais surtout des femmes, qui aujourd’hui témoignent de la gravité de ce qu’ils, et elles, ont subi.

franceinfo : Comment peut-on expliquer de telles pratiques ?

Claude Halmos : Je crois qu’il faut, si l’on veut essayer de les expliquer, prendre en compte deux dimensions : d’une part les problématiques personnelles des individus qui composaient cette "ligue". Et, d’autre part, les données sociales qui ont rendu le phénomène possible.

Vous parlez de "problématique personnelle de ces individus", de quoi s’agit-il ?

On ne peut évidemment pas, sans les avoir écoutées, parler des personnes en cause ; mais on peut parler de leurs agissements, et les qualifier "d’agissements pervers". C’est-à-dire d’actes accomplis pour provoquer, en toute connaissance de cause, la souffrance d’un (ou d’une) autre.

On a parlé de jeux, de comportements infantiles, ce n’est pas défendable

Claude Halmos

La cruauté perverse peut, à certains égards, évoquer la méchanceté des enfants entre eux, dans les cours de récréation, par exemple. Mais elle est très différente. Parce que les enfants ne cherchent pas au départ, quand ils se moquent des autres, à les faire souffrir (ils n’y arrivent que plus tard, si on les laisse faire). Ils cherchent à acquérir le pouvoir de les transformer en petits pantins qu’ils peuvent, par un mot, faire réagir.

Alors que la cruauté perverse, elle, vise toujours, d’emblée, la souffrance de l’autre, parce que c’est de cette souffrance que le bourreau tire sa jouissance.

Comment peut-on en arriver là ?

Les enfants ont tous, en eux, la capacité d’en arriver là, et l’enjeu majeur de l’éducation est de les "civiliser", en endiguant cette jouissance à nuire. Cela suppose de leur enseigner les lois humaines et leur sens, de leur apprendre à s’y soumettre ; et de leur permettre de devenir capables de se mettre à la place d’un autre, pour se représenter sa souffrance.


Sans cette éducation, les enfants peuvent, devenus adultes, en arriver là. Surtout s’ils savent que leurs agissements bénéficieront de l’anonymat qui règne sur internet, et qui génère un sentiment d’impunité, et un fantasme de toute-puissance qui permettent d’y déployer le pire : le sexisme, la pornographie, l’homophobie, le racisme, ou l’antisémitisme.

Comment les victimes peuvent-elles se reconstruire ?

Pour toutes les victimes, ce qui s’est passé là est ineffaçable.

Claude Halmos

C’est particulier dans chaque cas. Chaque victime a été, dans une impuissance absolue, livrée, comme un animal cerné, lors d’une chasse à courre, par une meute de chasseurs, à des prédateurs dont la violence sans limites a été démultipliée par les réseaux sociaux. Chacune a vécu la mise à mort de choses qui étaient essentielles à sa vie, et la honte publique. C’est d’une gravité extrême.

Il serait donc important que ces victimes ne restent pas seules. Qu’elles se rassemblent, pour transformer leur souffrance en colère et en combats, pour que de telles pratiques ne se reproduisent pas.

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