New York : des restaurants remplacent des employés par des "centres d'appels" localisés à l'étranger

On connaissait déjà les centres d'appel installés dans les pays étrangers, comme au Maroc pour la France, ou en Inde pour les États-Unis. Voici qu'à New York, des restaurants ont décidé de faire la même chose au moment de prendre la commande.
Article rédigé par Loïc Pialat
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Sansan Chicken, dans le Queens à New-York, octobre 2023. (Capture d'écran Google Maps)

Pour l’instant, moins d'une dizaine de restaurants sont concernés, dans le New Jersey et à New York. Cette liste comprend le fast-food Sansan Chicken, dans le Queens, où s’est rendu un journaliste du New York Times. Sur place, il a été accueilli à l’entrée par un écran et sur cet écran, il a pu interagir avec une jeune femme connectée via Zoom depuis son domicile, aux Philippines !

C’est auprès d'elle qu’il a pris la commande, détaillant si nécessaire le menu, comme l’aurait fait une employée en face, même si, raconte le journaliste, la compréhension n’était pas idéale à cause d’un réseau internet défaillant chez la jeune femme. Quand il n’y a pas de clients, celle-ci délaisse le comptoir numérique et s’occupe des commandes par téléphones, ou vérifie les commentaires postés en ligne sur le restaurant. Pour le reste, c’est un établissement traditionnel, la nourriture est faite en cuisine et distribuée en personne par un autre employé. D’après le New York Post, un tabloïd qui s’est lui aussi intéressé au concept, le personnel, y compris loin de la ville, attend le pourboire de 15% habituel aux États-Unis.

Une caissière payée trois dollars de l'heure aux Philippines

Cette caissière des Philippines n'est pas employée directement par le restaurant. Elle travaille pour un service appelé Happy Cashier, "caissier heureux" en français. Ce service, testé depuis le mois d’octobre, a été lancé par Chi Zhang, le propriétaire d’un restaurant à Brooklyn qui a dû fermer pendant la pandémie. Chi Zhang a réfléchi à certaines des difficultés récurrentes rencontrées par les restaurateurs aux États-Unis : le prix des loyers, l’inflation ou le manque de main-d’œuvre.

On est dans un secteur aux marges réduites donc chaque variation économique a un impact. Avec Happy Cashier, la caissière des Philippines est payée environ trois dollars de l’heure quand le salaire minimum à New York tourne autour de 16 dollars de l’heure. La différence est significative et la propriétaire de Sansan Chicken est ravie. Avec l’argent économisé, elle réfléchit à ajouter une section café dans son établissement. Chi Zhang, lui, est optimiste et espère travailler avec une centaine de restaurants, rien que dans l’État de New York, d'ici la fin de l’année.

Bientôt un avatar animé par IA ?


Les clients réagissent de façon différente, l’un d’entre eux raconte qu’il n’a même pas fait attention à la jeune femme sur l’écran au départ. Il pensait qu’il s’agissait d’une vidéo enregistrée comme on en trouve dans les taxis new-yorkais. Une autre cliente confie au New York Post qu’elle n’a pas apprécié l’expérience, parce qu’elle attend un minimum d’interactions humaines quand elle va au restaurant. Mais un internaute trouve au contraire l’idée intéressante, sachant que les New-Yorkais, un peu comme les Parisiens, ne sont pas connus pour leur chaleur et la qualité de leur accueil.

Les experts de la restauration se demandent toutefois si le concept ne risque pas de déstabiliser le secteur en introduisant une forme de délocalisation de l’emploi, ce qu’on a vu dans l’automobile par exemple. Et peut-être que d’ici quelques mois, au rythme spectaculaire des progrès de l’intelligence artificielle, la caissière des Philippines, moins chère que celle du Queens, sera remplacée à son tour par un avatar encore plus bon marché.

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