Mal-logement : les hôtels de Los Angeles vont-ils devoir mettre leurs chambres vides à disposition des SDF ?
Le conseil municipal souhaite organiser un référendum d'ici au printemps 2024. La mesure, controversée, a été préparée par un syndicat du secteur hôtelier.
Les hôtels de Los Angeles vont-ils devoir mettre leurs chambres vides à disposition des nombreux sans-abris de la ville ? Le conseil municipal a, en tout cas, décidé cet été de laisser les électeurs le décider. Derrière cette initiative, il y a un syndicat hôtelier : Unite Here Local 11, qui a réuni assez de signatures pour soumettre la mesure aux électeurs en mars 2024. "À aucun moment, nous pensons qu’elle peut résoudre la crise du logement, mais bien sûr que les hôtels ont un rôle à jouer", dit clairement Kurt Petersen, le co-président du syndicat.
Sachant que chaque nuit, plus de 60 000 personnes dorment dans les rues de Los Angeles et que 20 000 chambres d’hôtel sont vides. Si les électeurs votent pour cette mesure, chaque hôtel - du motel au quatre étoiles - devra indiquer aux services de la mairie à 14 heures le nombre de chambres vides et accepter les sans-abris qui se présenteront avec un coupon de la ville, au prix du marché normalement.
D’ici l’an prochain, il va aussi falloir que le conseil municipal planche sur le financement du programme. Le mal-logement est un problème majeur à Los Angeles, une préoccupation centrale des habitants aussi, qui voient des tentes un peu partout dans les rues. Or, la ville y consacre 800 millions de dollars par an mais ne parvient pas à régler la crise, qui a empiré depuis 2020.
Projet "RoomKey"
Cela s’inspire d’un programme de l’Etat de Californie créé pendant la pandémie de Covid-19 : le project "RoomKey". Lancé par le gouverneur, cette initiative a imposé que les hôtels restent fermés au public pendant des mois, afin de loger des sans-abris et de soutenir financièrement les hôtels, qui contrairement à la mesure de Los Angeles, participaient volontairement au programme.
Si 10 000 personnes ont été concernées, et un quart d’entre elles sont passées dans des logements permanents depuis, tout le monde ne considère pas forcément "Roomkey" comme un succès. Un propriétaire d’hôtel dans l’est de L.A a fait face 4000 dollars de travaux à cause d’une cliente instable mentalement qui a saccagé la salle de bain, arraché la télévision, brûlé les rideaux et écrit sur les murs. La chaîne locale KTLA parle de "désastre" avec des bagarres régulières et de la consommation de drogue. Même un SDF qui a bénéficié du programme confie à CNN que la mesure est, selon lui, une mauvaise idée à cause des problèmes mentaux de beaucoup de sans-abris. Une étude de 2020 estime à 15000 le nombre de sans domicile fixe à souffrir de ce type de problèmes ou d’addiction.
Qu'en disent les propriétaires d’hôtels ?
Stuart Waldman, le président de l’association des commerces et de l’industrie de la Vallée, au nord de Los Angeles, parle carrément de 'folie". L’idée de mélanger des clients payants réguliers avec des SDF ne marche pas d’après lui : les touristes prendraient peur. Autre élément mis en avant : les employés ne sont pas des travailleurs sociaux, ils ne sont pas formés pour s’occuper de ce type de clientèle à risque et les assureurs risquent de refuser d’assurer les établissements concernés. Il accuse aussi le syndicat à l’origine de la mesure de s’en servir comme d’un moyen de pression pour obtenir ce qu’il veut des hôtels, puisqu’il peut retirer sa proposition à tout moment.
Du côté du syndicat, on rétorque que la sécurité des employés n’a pas beaucoup perturbé les hôteliers quand il fallait travailler pendant la pandémie et surtout, qu’il faut sortir du cliché du sans-abri drogué et incontrôlable. La mesure aiderait des seniors, des étudiants, des travailleurs pauvres à se loger dans une ville aux loyers trop souvent inaccessibles.
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