La fin des demoiselles
Chaque année, il y a des
mots qui naissent et d'autres qui disparaissent. On appelle ça le progrès. Mais
si l'on peut ou doit saluer les expressions qui font irruption dans nos
dictionnaires, on peut aussi porter le deuil des mots qui passent soudain de
vie à trépas. Des mots qu'on aimait bien. Des mots qui, hier encore, faisaient
partie de notre patrimoine littéraire et qui finissent à la poubelle. Des mots
que des centaines de générations ont dits, murmurés ou écrits et que les
générations futures sont invitées à bannir.
Par la grâce d'une
circulaire gouvernementale qui date de février, le mot "Mademoiselle"est en
train de disparaître de tous les documents administratifs hexagonaux. Ca
couvait depuis longtemps. Depuis que les associations féministes les plus
virulentes exigeaient qu'on en finisse avec cette horrible survivance du
machisme et du sexisme consistant à demander à une femme de décliner son statut
marital pour remplir un formulaire.
Désormais, il n'y
aura plus que les "Madame" et les "Monsieur". Et encore
vu les progrès de la société, c'est même pas sûr. Mais dans le fond, peu
importe. Si c'est pour la cause des femmes, à bas les demoiselles ! Si ca
peut servir la juste lutte de la condition féminine en butte à toutes les
discriminations dans ce monde de brutes et de machos, à bas les
demoiselles !
Cela dit, il y aura
loin de la coupe aux lèvres, et si la plume est serve, la parole est libre. On
se voit mal au restaurant en train de dire "merci madame" à la
gamine qui apporte les plats. On n'ose pas imaginer un prof disant "bonjour
mesdames" plutôt que "bonjour mesdemoiselles" à ses élèves
adolescentes. "Bonjour les filles", ca va pas le faire non plus.
Nous vivons une époque moderne.
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