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#OnVousRépond : nos réponses à vos questions sur l'inflation et la hausse des prix

Avec #OnVousRépond, franceinfo tente d'apporter des réponses aux questions que vous vous posez. Cet article est consacré à vos interrogations sur la hausse des prix du carburant.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 49 min
L'économiste Elie Cohen, interrogé par les auditeurs et les téléspectateurs sur la hausse des prix du carburant. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Gazole et sans-plomb ont passé la barre symbolique des deux euros. L'inflation atteint les 4% en France. Le pays connaît une inflation jamais vue depuis les années 1990. Quelles aides pour le passage au bioéthanol ? Pour la transition énergétique ? Quel impact cette augmentation aura-t-elle sur la production alimentaire ? L'économiste Elie Cohen, le président de l'UFC que Choisir Alain Bazot, et Isabelle Raymond, cheffe du service économique et social de franceinfo, répondent à vos questions.

Cette situation est-elle comparable au choc pétrolier de 1973 ?

Élie Cohen : La comparaison est tout à fait justifiée. On a multiplié le prix du gaz par 13. Il y a eu une hausse du prix du gaz qui n'a eu de précédent que l'envikée des prix du pétrole de 1973 et 1979. Il est important d'explique de quoi il s'agit : c'est un transfert de richesses des pays producteurs vers les pays consommateurs. Nous payons une espèce de taxe, nous consommateurs.

"Pourquoi le gouvernement ne facilite pas la conversion des voitures au bioéthanol ?"

Manon, technicienne de laboratoire, Marmande ( Lot-et-Garonne )

à franceinfo

Alain Bazot : Le problème du bioéthanol, c'est qu'il y a une limite à la conversion des terres agricoles en terres cultivées pour le carburant. Cela suppose également une agriculture qui ne sera pas du tout biologique. Tout est permis pour augmenter la productivité, puisqu'il faut du rendement pour que l'activité soit rentable.

"Le prix du gasoil est égal, voir supérieur à celui du sans-plomb. Or le coût de revient du gasoil est inférieur à celui de l'essence. Est-ce qu'il n'y a pas un abus ?"

Jean, retraité à Sartrouville

à franceinfo

Isabelle Raymond : Le prix du gasoil suit le prix du brut. On a vu que le prix du baril a flambé jusqu'à 140 dollars. Et pendant des années, le gouvernement a favorisé le gasoil. Et les taxes ont augmenté sur ce carburant. Le prix a rattrapé celui de l'essence.

Elie Cohen : l'idée que le prix à la pompe reflète le coût de production est une vision très théorique. Dans le prix d'un litre d'essence ou de gasoil, il y a deux tiers de taxes. Et le prix se fixe sur les marchés tous les jours. Il peut y avoir des pénuries locales ou des effets de déstockage qui jouent sur les prix. Les prix à la pompe dépendent donc des marchés et des prélèvements fiscaux.

Alain Bazot : Je complèterai en disant qu'en amont de la pompe, il y a le raffinage. C'est à cette étape de la production que se font les bénéfices. On annonce 14 milliards de bénéfices pour Total. On voit bien qu'il y a un secteur professionnel qui bénéficie de la crise.

Elie Cohen : Il n'en bénéficie pas. Ça fait des années qu'on incite les pétroliers à revoir leurs systèmes de raffinage. Les acteurs économiques obéissent aux incitations publiques.

Isabelle Raymond : Je rajoute que le consommateur se rend compte de l'impact immédiat des changements du prix du pétrole brut.

"Pourquoi n'y a-t-il pas d'aide pour le passage à l'électrique pour les professionels ?"

Karim, chauffeur de taxi à Lyon

à franceinfo

Alain Bazot : Nous avons fait une étude comparant la rentabilité entre les voitures thermiques et les véhicules électriques. Avec les aides actuelles, qui sont de 7 000 euros pour les particuliers, l'avantage est aux électriques. Mais c'est vrai que pour les professionels, pour qui les aides sont de 2 000 euros par véhicule, c'est difficile de s'y retrouver.

Cette inflation est-elle si grave ?

Élie Cohen : On ne peut pas dire ça quand on a connu les chocs pétroliers. En 1979, on avait des taux d'inflations entre 12% et 20%. L'inflation à très haute dose est insupportable : tous les mécanismes économiques sont déréglés. Mais l'inflation est un indice de déséquilibre qui est toujours utile. Pendant longtemps, on a connu une boucle d'inflation et d'augmentation des salaires qui s'auto-entretenait. On l'a brisé dans les années 1980 en demandant à la banque centrale de caler la politique monétaire sur une inflation à 2%.

Alain Bazot : Il faut aussi dire qu'il y a des dysfonctionnements de marchés. Par exemple, on a obligé la grande distribution a augmenter sa rente à perte. Concrètement, ça veut dire qu'un produit acheté à 100 pouvait avant être revendu à 102, mais à présent il doit obligatoirement être vendu à 110.

"Ne peut-on pas profiter de la crise pour accélérer la rénovation énergétique ?"

Serge, chef d'ouvrage à Général Energie, à Oraison

à franceinfo

Alain Bazot : La rénovation tarde à décoller en France. Depuis la modification de la loi Ségolène Royal, il n'y a pas d'obligation de résultat pour le professionnel. Donc la défiance est généralisée. De plus, les aides sont données en fonction de l'équipement, pas en fonction de la performance énergétique. Une étude de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) a démontré que la baisse des classes énergétiques n'est pas au rendez-vous. On dilapide de l'argent public, sans résultat.

"Qu'est-ce qui empêche le gouvernement de fixer les prix ?"

Eric, formateur en sophrologie, à Paris

à franceinfo

Élie Cohen : Rien ne l'empêche. Mais le risque c'est que les producteurs préfèrent distribuer dans des pays où ils seront mieux payés. Même avec une pression internationale, comme celle venant des États-Unis sur les pays exportateurs pour qu'ils augmentent leur production, ça ne marche pas. Et la nouveauté, c'est que les pays pétroliers traditionnels, comme l'Arabie saoudite ou les Émirats, forment la coalition Opep+ avec la Russie. D'un commun accord,  ils continuent de limiter leur production et de faire augmenter les prix.

Quels produits vont être impactés par la hausse des prix ?

Alain Bazot : Il va falloir surveiller les prix de l'alimentaire. La France n'est pas dans une situation de dépendance, que ce soit pour le blé ou pour la viande. Mais il peut y avoir des augmentations des prix, et il faudra s'assurer qu'elles ne soient pas injustifiées.

Elie Cohen : L'alimentaire a subi une triple peine. D'abord, les mauvaises récoltes des pays producteurs ont entraîné une pénurie du blé dur, dont on se sert dans la fabrication des pâtes. Ensuite, la guerre en Ukraine. Et finalement, il y a la hausse des prix du carburant..

Isabelle Raymond : Nous avons les chiffres de l'augmentation des prix moyens des produits de consommations sur un an. Le pain a augmenté de 2,7%, 2,2% pour la viande. Mais les pâtes, et cela concerne les consommateurs les plus modestes, ont augmenté de 11%.

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