Natalie Rastoin (publicitaire) : "Beaucoup d’entreprises qui se transforment ne tiennent pas compte du facteur humain"
La publicitaire Natalie Rastoin, qui a dirigé l’agence Ogilvy est l’invitée de Jean-Paul Chapel. Sont évoquées les relations managériales, la course au profit et le télétravail.
Elle vient de publier « Un caillou dans la chaussure » aux éditions de l’Observatoire. Natalie Rastoin explique que malgré les nombreux plans de transformation des entreprises, beaucoup d’entreprises oublient le facteur humain : "Beaucoup d’entreprises, à juste titre, font des plans de transformation. Et récemment, il a été prouvé plusieurs fois que 70 % de ces plans échouent. Historiquement, on a notamment l’exemple de Kodac qui avait tous les brevets du numériques et qui a échoué, ou Nokia qui n’a pas pris le tournant du smartphone alors qu’il en avait les capacités financières et technologiques. La cause est que l’implication sur l’évolution du facteur humain n’est pas du tout au même niveau que la faisabilité financière et technologique. Le caillou dans la chaussure, c’est l’hyper-rationnalité managériale. C’est le fait que les choses, en économie comme ailleurs, ne sont pas que rationnelles et qu’il faut aussi s’occuper de penser et de faire évoluer le facteur humain."
N’y a-t-il pas un excès du nombre de décisions prises pour satisfaire l’actionnaire ? "C’est la doctrine Friedman qui date du début des années 1980, qui avance que l’entreprise n’est là que pour satisfaire l’actionnaire. Mais l’actionnaire aujourd’hui aimerait un peu plus de prise en compte des parties prenantes. Même les fonds disent de faire attention à ne pas seulement penser à la rémunération du capital à court terme." Sur le récent cas de Danone, entreprise à mission qui a été obligé de supprimer des emplois pour la course au profit, Natalie Rastoin explique : "Danone est rattrapée par la crise, qui exacerbe la difficulté de mettre en correspondance toutes les parties prenantes. Elle n’est pas rattrapée par la finance, dont c’est déjà le cas de toutes les entreprises depuis les années 1980." Elle explique aussi que l’échec est mal vu en France dans le management : "Les élites gagnent leur statut d’élite à 20 ans, au lieu d’être dans des logiques où on apprend en permanence."
Le télétravail, généralisé depuis la crise, va-t-il durer ? "Il sera hybride : une partie dite télérobuste va durer. L’autre, téléfragile, ne durera pas. Car le télétravail n’est pas bon pour la créativité, le lien social et les innovations parallèles" prédit Natalie Rastoin, qui dit attendre avant de savoir si elle conseillera ou non des hommes politiques en 2022, comme l’a fait par le passé : "J’espère qu’il y aura une offre politique qui permettra aux gens de vraiment choisir. La politique, comme le reste, est un marché d’offre."
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