Daniel Cohen : "Nous sommes dans une situation d’attente. Cette crise est un immense choc d’incertitudes."
Daniel Cohen, directeur du département économie à l’École normale supérieure, était l’invité de Jean-Paul Chapel dans ":l’éco". L’occasion de faire un point sur la santé de l’économie française.
Daniel Cohen, directeur du département économie à l’École normale supérieure, était l’invité de Jean-Paul Chapel dans ":l’éco". L’occasion de faire un point sur la santé de l’économie française.
"Nous sommes en train de découvrir que l’épidémie est toujours là" estime Daniel Cohen, qui dresse un état des lieux de la situation liée à la crise. "C’est une mauvaise nouvelle d’abord pour les français, pour qui les mesures de protection restent plus que jamais nécessaires, mais aussi pour l’économie, où tous les segments de l’activité vont être impacté durablement". L’économiste compare la situation à une taxe interpersonnelle, qui touche toute l’économie. Il note que la reprise de confiance dans l’économie qui a eu lieu cet été a favorisé une dégradation du contexte sanitaire. "On a connu une chute du secteur privé de 50 %, contre 30 % pour le public. Et en sortant du confinement, progressivement les comportements sont revenus vers la normale, les français ont repris confiance et ont recommencé à consommer, ce qui contribue à avoir augmenté le taux de contamination."
Daniel Cohen se montre également pessimiste sur les perspectives économiques dans les prochains mois. Concernant l’offre, il estime les plans sociaux sont à redouter, et que le chômage des jeunes devrait en pâtir. Concernant la demande, l'économiste estime qu’il est illusoire de penser que l’épargne des français, estimée à environ 100 milliards d’euros en 2020, sera convertie en consommation prochainement. "Les français ont un comportement plus prudent, lié à la baisse des achats superflus et à l’absence de sécurité concernant leur emploi". Une crainte qu’il souligne comme similaire pour les entreprises, pointant la part élevée (60 à 70 %) des prêts garantis par l’Etat qui ont été gardé en réserve de trésorerie, reportant également embauches et investissements. Il considère que la crise rend les agents économiques craintifs sur l’avenir. "On est dans une situation d’attente. Cette crise est un immense choc d’incertitudes."
"Nous sommes en train d’explorer une toute autre manière d’apprendre à vivre"
Mais à quoi ressemblera le monde d’après ? Daniel Cohen voit deux mondes alternatifs, selon l’issue de la crise sanitaire. Selon lui, si un vaccin émerge et est diffusé, il sera temps de dresser le bilan de cette grande crise, mais il y aura lieu de passer à autre chose. Dans l’hypothèse où au contraire le virus reste présent, l’économiste estime qu’il va falloir apprendre à vivre autrement, prenant l’exemple de plusieurs pays africains qui vivent régulièrement avec des économies comme la malaria, ou le SIDA qui a entraîné une modification de nos comportements. "Nous nous sommes en train d’explorer une toute autre manière d’apprendre à vivre. Peut-être que la prochaine fois que je serai invité dans votre émission, je n’aurai pas besoin de venir le matin, mais je resterai derrière ma petite télé ! Il y a toutes formes d’habitus, de façons de vivre qui pourraient être transformés pour aller vers une société plus numérique, mais qui sera aussi plus oppressante, car tout se passera en ligne".
L’entretien s’est terminé en chanson avec "Hallelujah" de Leonard Cohen.
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