Christian Regouby (Collège Culinaire de France) : "Il faut que chacun prenne conscience que manger est un acte citoyen"
À l'heure où le couvre-feu s'étend, comment les restaurants peuvent-ils s’adapter pour survivre ? Par quels gestes les citoyens peuvent-ils soutenir restaurateurs et producteurs ? Christian Regouby, délégué général du Collège Culinaire de France, était l’invité de Stéphane Dépinoy dans ":l’éco" pour donner quelques pistes.
Christian Regouby, un des initiateurs du mouvement Manger citoyen, est aussi délégué général du Collège Culinaire de France, qui regroupe 1800 restaurants et 1000 producteurs artisans. En ces temps difficile pour le secteur de l’hôtellerie-restauration, il encourage les restaurateurs à faire preuve d’imagination pour traverser au mieux la crise. Si Christian Regouby pointe les "grandes difficultés" auxquelles doivent faire face les restaurateurs, notamment avec le couvre-feu, il constate plusieurs moyens pour qu’ils s’y adaptent : "Nous observons des initiatives absolument extraordinaires. Des restaurants revoient complètement la configuration de leur établissement, pour en faire des espaces de détente. On réinvente une façon de se réunir. Il y a aussi les terrasses, qui ont permis de palier une perte importante du chiffre d’affaire. Ces initiatives ne se font pas de manière isolées, mais en coopération avec les producteurs et les clients."
"Il faut privilégier la consommation de produits de saison"
Le Collège Culinaire de France lance un appel aux citoyens pour aller au restaurant et soutenir les filières de qualité : "Nous pensons que chacun a une responsabilité. Le client citoyen en a une majeure, en réfléchissant à ce qu’il mange, à sa qualité, en réfléchissant à la transparence des produits. Nous voyons beaucoup de restaurants qui depuis les contraintes sanitaires, voient les clients s’intéresser de plus en plus à la provenance et la fabrication des produits. Certains demandent même pourquoi les restaurateurs font ce métier. C’est extraordinaire, car cela crée une relation qui n’existait pas forcément auparavant. J’ai écrit avec Alain Ducasse l’ouvrage « Manger est un acte citoyen ». Je pense qu’en premier lieu, il faut reconsidérer la notion de saison, que l’on a oublié et qui fait que beaucoup de consommateurs consomment par exemple des fraises en hiver. Même chez les restaurateurs, beaucoup justifient de présenter des produits qui ne sont pas de saison parce que les clients le demandent. Il n’y a pas à stigmatiser l’un plutôt que l’autre, tout le monde est responsable tout au long de la chaîne. Les coopérations sont importantes; le menu du restaurateur doit aussi s’adapter au producteur. Le producteur et le client doivent comprendre le métier du restaurateur, et savoir d’où viennent les produits. Cette chaîne que nous appelons chaîne de la qualité est donc avant tout une chaine de coopération."
"Le pouvoir du citoyen est beaucoup plus dans l’assiette qu’ailleurs"
Mais n’y a-t-il pas un risque que les fast-foods bénéficient du couvre-feu au détriment des autres restaurants, comme chacun doit rentrer chez soi tôt et se dépêcher pour dîner ? Christian Regouby le concède : "Cela est dû aux systèmes économiques dans lesquels nous sommes. Mais Claude Lévi-Strauss disait : « Il ne suffit pas qu'un aliment soit bon à manger, encore faut-il qu'il soit bon à penser. » C’est une question d’éducation et de sensibilisation. Le pouvoir du citoyen est beaucoup plus dans l’assiette qu’ailleurs."
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