Frédéric Puzin : "Les marchés financiers et immobiliers sont outranciers"
Invité de Jean-Paul Chapel dans ":L'éco", Frédéric Puzin est le président de CORUM L'Épargne, une société de gestion spécialisée dans l'épargne immobilière et le crédit aux entreprises. Livret A, assurance vie, taux négatifs... Il nous explique où placer son argent aujourd'hui.
Frédéric Puzin est le président de CORUM L'Épargne, une société de gestion spécialisée dans l'épargne immobilière et le crédit aux entreprises.
Fixé à un taux de 0,75 % depuis 2015, le livret A ne rapporte plus grand chose. Avec 1,8 % de rendement moyen des fonds euros en 2018, l'assurance vie n'est plus très attractive non plus. Les taux d'intérêt sont négatifs pour la plupart des pays qui empruntent... Alors où placer son argent ?
"Au bon endroit", lance Frédéric Puzin. "Il faut, en fait, placer son argent tout particulièrement là où on pense qu'on a un horizon d'investissement qui va correspondre à son projet d'épargne. Vous avez 40 ans, vous avez trois enfants, vous devez financer leurs études dans sept ou huit ans, ce n'est pas la même chose que si vous en avez 60 et que vous voulez partir en retraite ou partir dans un pays lointain et profiter de la vie."
"Et ce long terme permet-il d'avoir plus de rendement que le court terme ?", interroge Jean-Paul Chapel.
"Le long terme ne permet pas d'avoir plus de rendement, forcément, par contre, il va vous donner une meilleure visibilité sur ce que vous allez pouvoir obtenir comme rentabilité", explique le président de CORUM L'Épargne. "En fait, il n'y a pas de miracle, que ce soit pour son épargne ou une entreprise, ou la vie économique de façon générale, quand vous pensez long terme, vous construisez, donc vous allez mettre en place un certain nombre de choses qui vont permettre de sécuriser votre investissement."
"Est-ce que ça veut dire que, comme on le dit dans le bon sens populaire, on ne met pas tous ses œufs dans le même panier ?", demande Jean-Paul Chapel.
"Alors ça, c'est la diversification, mais en pensant long terme, c'est-à-dire que vous allez isoler votre argent, vous allez considérer qu'il est placé, vous ne pouvez pas y toucher", répond Frédéric Puzin.
"C'est-à-dire que si vous n'avez pas besoin d'une certaine somme d'argent pendant huit ans, là, vous pouvez prendre un peu de risques", rajoute Jean-Paul Chapel.
"Ce n'est pas prendre plus de risques", objecte le président de la société de gestion. "C'est se dire 'voilà, je vais pouvoir m'engager sur un projet avec un peu plus de délai, je n'y touche pas, mais les perspectives de gagner sont sans doute plus sûres que de vouloir être liquide à tout instant."
"Vous dites plus sûres, mais ce n'est pas garanti, c'est ça ?", relève Jean-Paul Chapel.
"Non ce n'est pas garanti, mais aujourd'hui, vous pouvez gagner de l'argent en allant en bourse, vous êtes liquide à tout instant, par contre, bien malin qui peut dire ce que seront demain les marchés financiers. En revanche, vous investissez dans une entreprise qui est à côté de chez vous, qui a un projet particulier, elle est là sur un projet spécifique, et vous êtes sur le plus long terme, vous n'êtes pas liquide", précise l'homme d'affaires.
"Vous, vous ne vous engagez pas, vous ne faites pas de garanties sur le capital, mais vous dites 'regardez sur les huit dernières années', vous avez proposé un rendement de 6 % par an. Alors 6 % par an, vous l'avez gagné, en grande partie, grâce à l'immobilier, et vous dites que ça peut continuer ?", questionne Jean-Paul Chapel.
"Ça peut continuer, mais pas forcément en France", assure Frédéric Puzin, avant d'ajouter : "Mais si je ne suis pas capable de le faire, j'arrêterais de demander ma confiance aux épargnants, je leur proposerais un autre produit
"Donc, vous vous engagez sur votre réputation, en fait" souligne Jean-Paul Chapel.
"Je m'engage sur réputation et par rapport à un état du marché immobilier", confirme l'invité.
"Donc, vous, votre analyse, c'est que le marché immobilier peut continuer à progresser à ce rythme de 6 % par an, mais pas tellement en France, vous vous méfiez de l'immobilier en France", note Jean-Paul Chapel.
"Oui, alors, il y a une confusion, il y a une différence entre le marché immobilier et les locataires, ceux qui payent les loyers dans ces immeubles. Quand on parle de rendement, c'est le loyer qui est payé par le locataire, que moi je restitue sous forme de dividendes dans mes fonds, ce n'est pas tout à fait la même chose que l'appréciation de la valeur de l'immeuble. L'appréciation de la valeur de l'immeuble : on a des taux d'intérêt qui sont proches de zéro, le prix des immeubles a pratiquement suivi la même évolution, on a des immeubles qui valent très chers aujourd'hui, les perspectives de valorisation sont plutôt derrière nous que devant nous", développe le président de la société de gestion spécialisée dans l'épargne immobilière.
"Et le paradoxe, on parle du Brexit aujourd'hui, votre analyse, c'est qu'il y a peut-être des opportunités en Grande-Bretagne, y compris sur l'immobilier", ajoute Jean-Paul Chapel.
"Oui, alors, c'est de façon générale, j'avais à-peu-près la même lecture de l'Espagne en 2012 ou des Pays-Bas en 2014 sur leur marché immobilier. En fait, les marchés quels qu'ils soient, financiers ou immobiliers, sont outranciers dans leur comportement, c'est-à-dire qu'ils vont sur-interpréter des événements, et je considère que le Brexit est un véritable événement, ça aura sans doute des conséquences négatives sur le Royaume-Uni, mais je considère que les marchés financiers et immobiliers les ont sur-interprété", explique Frédéric Puzin.
"La meilleure illustration, c'est qu'avant le Brexit, la livre était aux environs de 1,45, 1,50, après le Brexit, elle est tombée jusqu'à 1,07, et aujourd'hui, on a des fluctuations qui sont entre 1,09 et 1,14 alors qu'on est dans la pire des situations, il n'y a pas d'accord, on est dans le flou le plus complet et dans le scénario le plus noir du Brexit. Pourquoi la livre est-elle remontée ? Sans doute parce que les marchés ont considéré que oui, il y aurait des impacts, ces impacts seraient importants, mais ils ne seraient pas avec une livre à 1,07, mais plutôt avec une livre à 1,9, 1,10, 1,12.", poursuit-il.
"Et donc, votre pronostic, c'est plutôt quelque chose de moins dramatique, y compris sur l'immobilier, mais pas à Londres, vous imaginez plutôt dans le reste du pays", reprend Jean-Paul Chapel.
"Oui, parce qu'il faut être quand même assez réaliste, Londres reste une place extrêmement attractive pour la planète entière, pour beaucoup d'investisseurs, et les prix de l'immobilier ont relativement peu bougé", affirme Frédéric Puzin.
"Aujourd'hui, l'assurance vie, qui a été le placement chouchou des Français, est beaucoup moins attirante parce que les taux d'intérêt baissent. Le gouvernement essaye de rebooster ce placement avec le plan d'épargne retraite. Est-ce que ce dispositif vous semble attractif ?", demande Jean-Paul Chapel.
"Il faut déjà comprendre pourquoi est-ce que l'assurance vie a été un tel succès. Alors, il y avait deux choses dans la recette qui étaient magiques pour nous tous, pour tous les Français et les épargnants, c'est 1. évidemment, l'avantage fiscal, et puis 2. la liquidité immédiate, à tout instant. Le problème, c'est qu'on investit essentiellement dans des obligations d'État, donc aujourd'hui, ça ne rapporte plus grand chose. Je pense que tout ce qui va en faveur de l'épargne salariale, de le retraite, c'est une très bonne chose, je m'émeus un petit peu sur le fait qu'on n'emmène pas les gens plus vers l'économie réelle, c'est-à-dire que pour moi, la bourse, ce n'est pas l'économie réelle", conclut Frédéric Puzin.
L'interview s'est achevée sur "When The Levee Breaks" de la London Philharmonic Orchestra.
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