: Vidéo "Cash Investigation". Un opposant au projet de forage de Total en Ouganda emprisonné
Pour avoir pris la défense de personnes affectées par deux mégaprojets pétroliers de Total, des militants des droits de l’homme ont subi des pressions ou ont été arrêtés. "Cash Investigation" a rencontré l’un d’entre eux. Au moment de l’interview, il vivait caché pour se protéger des autorités. Extrait de "Superprofits : les multinationales s’habillent en vert", une enquête à voir le 26 janvier à 21h10 sur France 2.
En Ouganda, Total a lancé le chantier de deux mégaprojets pétroliers appelés Tilenga et EACOP (East African Crude Oil Pipe Line) : 400 puits de pétrole doivent être forés, dont 140 dans le plus grand parc naturel du pays, Murchison Falls, en bordure du lac Albert ; un pipeline de 1 445 km devrait traverser 16 aires naturelles protégées. Pour réaliser cet ouvrage titanesque, 100 000 personnes seront expropriées. A terme, 200 000 barils de brut devraient être extraits chaque jour.
Parce qu'il n'était "pas d'accord avec les activités pétrolière et gazières de Total" en Ouganda, Joss Mugisa a été emprisonné pendant près de deux mois. Il préside Oil and Gas Human Rights Defenders Association, une ONG locale qui se bat pour que la multinationale dédommage correctement les personnes expropriées. La plupart d'entre elles sont des paysans qui vivent de leurs terres... qu'ils n'ont plus le droit d'exploiter. "Comment pouvez-vous interdire aux gens d'utiliser leurs terres, l'unique ressource dont ils dépendent ? Certains attendent depuis cinq ou six ans sans aucun dédommagement", s'insurge le militant.
En octobre 2021, les autorités ont fermé les bureaux de l'ONG, et quelques jours plus tard, Joss Mugisa a été arrêté. Officiellement, il était accusé d'avoir proféré des menaces à l'encontre de membres de sa famille, ce qu'il a toujours nié. Il a passé cinquante-huit jours en prison. "Les conditions étaient très dures, j'étais à l'isolement, dans le noir. Pas le droit de sortir du tout, raconte-t-il. C'est pourquoi maintenant, j'ai des problèmes de vue : je ne peux ni lire ni écrire. Leur nourriture me donnait la diarrhée, l'eau n'était vraiment pas potable. Depuis, j'ai développé de fortes allergies, et je me gratte continuellement."
"J'ai dit 'non', même si je dois mourir comme Jésus"
Joss Mugisa a finalement été libéré. Depuis, il n'a pas cessé le combat : il continue à dénoncer, dans cette affaire, une violation de la Constitution ougandaise. Cette dernière prévoit que le gouvernement peut acquérir des terres pour le compte de promoteurs comme Total, mais en contrepartie, il doit garantir "une compensation rapide, juste et équitable".
Pour tenter de faire respecter ce droit, Joss Mugisa vit désormais dans la peur : "Je me sens en insécurité, je ne peux aller et venir librement, mes déplacements sont restreints." Selon lui, sa famille est également menacée, et lui a conseillé de démissionner de ses fonctions : "J'ai dit 'non'. Même si je dois mourir comme Jésus." Depuis le tournage de "Cash Investigation", Joss Mugisa a de nouveau été arrêté...
Extrait de "Superprofits : les multinationales s’habillent en vert", une enquête de Claire Tesson diffusée dans "Cash Investigation" le jeudi 26 janvier 2023 à 21h10 sur France 2.
> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de Franceinfo et son application mobile (iOS & Android), rubrique "Magazines".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.