: Vidéo "Cash Investigation". Les coulisses du bras de fer entre les labos d’analyses et l’ancien ministre de la Santé
Le Covid a fait les affaires des laboratoires d’analyses médicales, un secteur très concentré où règnent six sociétés géantes : Eurofins, Cerba, Synlab, Unilabs, Biogroup et Inovie. Alors que durant la pandémie, des millions de Français se faisaient dépister, ces entreprises se sont partagé la manne des tests PCR, pris en charge à 100% par l'Assurance maladie. Au plus fort de la crise, elles recevaient 73 euros par test. Résultat : en 2020, leur chiffre d’affaires a bondi de 85%, et 7 milliards d’euros d'argent public leur ont été intégralement versés par la Sécurité sociale.
Profiteurs de crise ?
A l'automne 2022, François Braun, alors ministre de la Santé et de la Prévention, décidait de taper du poing sur la table. Il souhaitait imposer aux laboratoires une baisse de ces remboursements. L'objectif des autorités était d'économiser 1 milliard d'euros d'ici à 2026, soit 250 millions par an. Le ministre jugeait que "tout le monde doit faire un effort" et qu'il s'agissait là d'un "effort raisonnable" au regard des bénéfices record engrangés par les labos.
Encore en poste au moment du tournage de "Cash Investigation", François Braun a accepté de raconter à Elise Lucet ce qui est vite devenu un bras de fer. Lors de cette interview, il était encore en négociation avec les biologistes. D'après lui, si les laboratoires ont bien "répondu à une demande du gouvernement", cette dernière leur a aussi permis d'afficher "des bénéfices hors normes pendant cette période, et l'argent de la Sécurité sociale, c'est l'argent des Français". Or le rôle d'un ministre est de dépenser l'argent public "à bon escient".
Labos fermés et chantage à l'emploi
Les biologistes étaient d'accord avec une économie de 250 millions d’euros... mais pour la seule année 2023. Ils n'entendaient pas céder, et ont utilisé tous les moyens à leur portée. Ainsi, pour faire plier le gouvernement, 95% des laboratoires ont fermé leurs portes pendant plusieurs jours, empêchant les Français de réaliser des tests PCR ou toute autre analyse médicale : d’abord en novembre et en décembre 2022, puis à nouveau en janvier 2023.
Pour justifier leur drôle de grève, les représentants des laboratoires se sont adressés aux médias, comme le directeur général d'Inovie Bioaxiome, David Martinez, qui accusait les autorités de "jouer avec la santé des Français". Pour faire monter la pression, il menaçait même : "On va être obligés de réduire notre masse salariale et de jouer sur nos effectifs." Pour François Braun, il s'agissait d'un "chantage" qu'il n'a "pas bien vécu car derrière, il y a l'état de santé de nos concitoyens, il y a des patients... Qu'est-ce que je suis prêt à accepter comme conséquences pour les patients ?" Mais il était sûr de gagner cette manche : "Je l'emporterai", affirmait-il.
Un mois après cette interview, en juillet 2023, François Braun quittait ses fonctions lors d’un remaniement ministériel. Après son départ, un accord a été signé avec les laboratoires de biologie médicale. Ils devront faire, d’ici à 2026, environ 550 millions d’euros d’économies. Loin du milliard voulu par François Braun.
Extrait de "Energie, Covid : les profiteurs de crise", une enquête de Claire Tesson pour "Cash Investigation", à voir le 22 février 2024 à 21h10 sur France 2.
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