: Vidéo "Affaires sensibles". Vers une réhabilitation de Raymond Mis et Gabriel Thiennot ?
L'une des plus grandes énigmes du XXe siècle trouvera peut-être son épilogue dans quelques mois. En 1946, accusés du meurtre d'un garde-chasse dans la Brenne (Indre), Raymond Mis et Gabril Thiennot, respectivement 19 et 20 ans, passent aux aveux. Ils se rétractent ensuite, affirmant que ces aveux ont été obtenus sous la torture – ce qui n'a pas empêché leur condamnation à quinze ans de travaux forcés. Depuis, ils ont toujours clamé leur innocence.
Graciés en 1954, les deux hommes sont décédés dans les années 2000, mais leurs familles, épaulées par un comité de soutien très actif, ont continué à se battre pour leur réhabilitation. Après six tentatives infructueuses, elles ont enfin obtenu un procès en révision, qui doit se tenir cette année devant la Cour de cassation. Cet extrait du magazine "Affaires sensibles", qui retrace le 21 janvier les rebondissements de cette saga judiciaire, revient sur les circonstances qui ont ouvert la voie à une possible réhabilitation.
En 2021, le vote d'un amendement décisif
En 2021, Me Jean-Pierre Mignard, un des avocats des familles Mis et Thiennot, entrevoit une chance dans le vote d'une nouvelle loi : celle pour la confiance en l'institution judiciaire, portée par le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. Sensibilisé à la cause de Mis et Thiennot par un travail de lobbying, le ministre va lui-même plaider pour un amendement à sa propre loi. Persuadé qu'une justice reconnaissant ses erreurs n'en est que plus légitime, le ministre "supplie" les députés de le voter "pour que, même à titre posthume, l'injustice qui leur a été faite soit réparée".
Depuis le vote de cet amendement, des aveux obtenus par la violence avant 1957 constituent un motif suffisant pour réviser un procès. Au printemps 2022, une nouvelle requête en révision est donc déposée. Mais il reste à prouver les violences de la garde à vue…
Dans un film resté inachevé, un témoignage clé
Des images inédites à la télévision ont joué un grand rôle dans le succès de cette septième requête. En particulier une interview réalisée pour un documentaire (resté inachevé) sur cette affaire : celle de l'infirmière qui a donné les premiers soins à Gabriel Thiennot et à Raymond Mis, à leur arrivée à la prison de Châteauroux.
"C'est une séquence qui a été très émouvante à tourner. C'est un témoignage qui est tellement vrai, d'une personne simple… C'est impossible de remettre ça en cause."
Michel Le Thomas, réalisateur
Mlle Beigneux se souvient très bien d'avoir vu arriver Gabriel Thiennot "tout bleu", des marques sur le visage et sur le corps qu'il portait, ainsi que Raymond Mis ; des "côtes cassées" d'un autre des jeunes interpellés ; des traces bleutées sur les phalanges des prisonniers – Gabriel Thiennot avait raconté à la télévision un supplice appelé "prière des Juifs" : des règles en fer passées entre les doigts, que les enquêteurs serraient.
Le 5 octobre 2023, la justice a reconnu les violences de la garde à vue, et validé la future révision. En 2024, dix-huit magistrats de la Cour de cassation se réuniront pour ce procès tant attendu. En vertu des violences des interrogatoires, les premiers aveux ont été retirés du dossier. Près de quatre-vingts ans après le meurtre du garde-chasse Louis Boistard, Raymond Mis et Gabriel Thiennot n'ont jamais été aussi près de la réhabilitation.
Extrait de "Mis et Thiennot : un long combat pour l'innocence", un documentaire à voir le 21 janvier 2024 dans "Affaires sensibles", une coproduction France Télévisions, France Inter et l’INA, adaptée d’une émission de France Inter.
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