Enseignement professionnel : la double tutelle des ministères de l'Éducation nationale et du Travail fait grincer des dents dans le monde de l'éducation
Les ministres de tutelle de la nouvelle ministre chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels seront celui de l’Éducation nationale et celui du Travail. Pour certains, une ligne rouge est franchie.
Avec le remaniement du lundi 4 juillet, une précision est passée un peu inaperçue du grand public sur le nouveau gouvernement d'Élisabeth Borne. Pourtant, elle agite intensément le milieu concerné : Carole Grandjean est nommée ministre déléguée, chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels. Ce n’est pas tellement son nom qui fait polémique, mais plutôt ses ministères de tutelle. Pour la première fois ce portefeuille n'est pas exclusivement sous la responsabilité de l’Éducation nationale, il est aussi rattaché au ministère du Travail.
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Cette double tutelle est tout à fait dans la logique de ce que souhaite réaliser Emmanuel Macron. Le président de la République veut rapprocher cette filière du monde de l’entreprise. Cela concerne 660 000 jeunes en Certificat d'aptitude professionnelle (CAP) et baccalauréat professionnel. Mais de nombreux professeurs et organisations y voient un danger, qui aboutirait à adosser l’enseignement aux besoins immédiats du monde du travail. On sait que de nombreuses branches, comme l’hôtellerie-restauration par exemple, manquent cruellement de main d’œuvre. Mais en réduisant, du coup, la mission de formation globale et de culture générale des adolescents.
"Une forme d'instrumentalisation des parcours scolaires"
Avec cette double tutelle ministérielle, une ligne rouge est franchie, tranche Sigrid Girardin, professeur d’éco-gestion qui représente le syndicat de l’enseignement professionnel Snuep-FSU : "Nous craignons fortement une forme d'instrumentalisation des parcours scolaires de nos élèves, uniquement vers des formations dans des secteurs où il y a des pénuries d'emplois. Pour nous, ce n'est pas acceptable. Les jeunes doivent pouvoir aller vers des métiers qu'ils demandent"
"S'ils veulent être bouchers, coiffeurs, vendeurs, carrossiers, ils doivent pouvoir bénéficier des formations qu'ils choisissent. Il ne faut pas qu'il y ait une instrumentalisation de leur formation pour répondre à des besoins économiques locaux ou des exigences des organisations patronales."
Sigrid Girardin, Snep-FSUà franceinfo
Pour la syndicaliste ce rattachement au ministère du Travail "est le signe d'un renoncement réel à l'élévation du niveau de qualification pour les jeunes des lycées professionnels, qui sont majoritairement issus de milieux défavorisés, de classes populaires. Quelque part, on les assigne à un parcours en fonction uniquement des besoins en emplois." Le syndicat craint à terme un transfert total, de l’enseignement professionnel du ministère de l'Éducation vers celui du Travail.
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