Au mont Beuvray, Montebourg revient faire de l'ombre aux frondeurs
L'ancien ministre de l'Economie, qui s'est mis en retrait de la vie politique pour faire carrière dans le privé, a pris beaucoup de place sur les photos, lundi.
Il est là, mais il faudrait ne pas le voir. Comme à chaque Pentecôte depuis 2004, Arnaud Montebourg s’est rendu au sommet du mont Beuvray, lundi 25 mai, à la frontière entre la Nièvre et la Saône-et-Loire. Cette année pourtant, il n'était pas censé être la vedette de l'évènement, mais devait rester en retrait, "derrière" le député frondeur Christian Paul, candidat au siège de premier secrétaire du Parti socialiste face à l'actuel patron, Jean-Christophe Cambadélis. Mais sur ces hauteurs boisées du Morvan, qu'il connaît bien, l'ancien ministre de l'Economie a fait preuve d'une discrétion toute relative.
Tout est pourtant minutieusement calculé, pour cette rencontre qui se tient en plein congrès du PS. Christian Paul a donné rendez-vous à la presse devant le musée de Bibracte, avant de grimper à pied la route sinueuse qui mène au sommet du mont Beuvray. Arnaud Montebourg n’est pas là. Du moins, pas encore. L'élu nivernais peut saluer les militants et commenter les 30% obtenus par sa motion, lors du vote des adhérents, jeudi dernier. "Nos idées se sont diffusées dans le parti, certaines sont embarquées dans d’autres textes", se félicite le député. Devant lui, la motion du premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, soutenue par le gouvernement, a obtenu une large majorité des voix, avec 60% des suffrages.
Après avoir évoqué, en vrac, les bons scores du parti de gauche Podemos en Espagne et le succès des films français au festival de Cannes, Christian Paul entame sa marche. Quelques dizaines de militants et autant de journalistes lui emboîtent le pas. L'élu participe à ce rituel depuis douze ans, mais cette année, c'est lui la tête d'affiche. "Il a un peu sa revanche", sourit un sympathisant de la région.
"Il est où ? Il arrive ? Il monte avec nous ?"
Dans le groupe, les militants scrutent le ciel gris. Pleuvra, pleuvra pas ? Quelques gouttes tombent. "Ah, Hollande doit venir aussi ?" plaisante-t-on. Tout le monde se connaît, et la plupart se posent la même question : "Où est Arnaud ?" Quelques fidèles du rendez-vous portent même une marinière, "exprès pour l'occasion". "Il est là ? Il arrive ? Il monte avec nous ?" Non, promis, cette fois, Arnaud laisse les caméras à son camarade Christian. D'ailleurs, le programme ne prévoit pas d'intervention de l'ex-ministre, sorti du gouvernement à grand bruit en 2014.
Désormais dans le privé, Montebourg a choisi un autre itinéraire, avec sa compagne, l'ancienne ministre Aurélie Filippetti, pour rejoindre les frondeurs au sommet. Le couple est tout de même arrivé avec quelques minutes d’avance, mais l'ancien ministre apparaît seul entre les arbres, comme un randonneur tombé là par hasard. Et gronde presque les médias, qui l’attendent de pied ferme : "J’ai pris un autre chemin pour vous éviter, je ne voulais pas vous voir !" Faussement vexé, un journaliste lui demande pourquoi. "Mais parce que je n’ai rien à vous dire !"
Faisant mine d'ignorer les micros et les flashs, il hèle alors tous les marcheurs arrivés un par un : "Hé, saluuut ! T’es là, toi ? Ça va ?" Les "copains", comme les appelle l’ancien ministre, n’ont que son prénom à la bouche. Prêts à jouer des coudes avec la presse, ils veulent tous "faire une bise à Arnaud". Pendant ce temps, Aurélie Filippetti, partie en même temps que lui du gouvernement, échange quelques mots, à l'écart. Elle aussi envoie promener les journalistes qui l'approchent.
"J'ai des sandwichs, mais pas pour tout le monde"
Personne n’est surpris de trouver ici un ancien ministre qui a mis la politique "entre parenthèses". Ils sont ravis de le voir là, avec son petit sac à dos de jeune scout et ses boucles grisonnantes, impatient d'entamer son panier de pique-nique. "J'ai des sandwichs, mais pas pour tout le monde", nargue Arnaud Montebourg. Quand Christian Paul arrive, son ami l’accueille d'une franche accolade, que le député frondeur ne manque pas de faire durer, le temps de quelques photos, vite postées sur les réseaux sociaux.
Fraternelles retrouvailles avec @montebourg en haut du Mont Beuvray pic.twitter.com/T9Ai6KeMQ7
— Christian Paul (@christianpaul58) May 25, 2015
Debout au milieu des hautes herbes battues par le vent, Jérôme Durain et Philippe Baumel, sénateur et député de Saône-et-Loire, se relaient ensuite au micro pour rappeler que l’ascension du mont Beuvray est un "acte de résistance", mais aussi un "rendez-vous de l’amitié, de la constance".
"Il n’y a pas que des frondeurs ici. Il y a surtout des fidèles à la ligne politique de 2012", reprend Philippe Baumel. Car le rendez-vous est avant tout politique et Christian Paul est en campagne. Quand ce dernier prend la parole, c’est pour souhaiter que "les engagements de Poitiers soient davantage tenus que ceux du Bourget", en référence au discours marqué à gauche de François Hollande, lors de sa campagne de 2012.
"Je suis ici parce que je suis fidèle"
Après ce double tacle en direction du parti et du gouvernement, le frondeur ne manque pas de terminer sur son "admiration" pour la reconversion d’Arnaud Montebourg, "qui a quitté son armure de chevalier de la politique" pour prendre la vice-présidence de l’enseigne d’ameublement Habitat. Au deuxième rang, l'intéressé sourit, applaudit, mais ne pipe mot. Les caméras sont pourtant rivées sur lui.
L’ancien ministre ne dira même pas pour quelle motion il a voté, la semaine précédente. Avant d’entamer son pique-nique, il finit simplement par sourire : "Vous savez bien ce que je fais, là. Je suis ici parce que je suis fidèle." En 2014, encore ministre, il rejouait Vercingétorix unissant les tribus gauloises, et prétendait rassembler les "tribus socialistes" en soutenant les frondeurs. Sa présence, lundi, apparaît comme un juste retour des choses. "L’an dernier, ils étaient derrière moi, aujourd’hui, c’est moi qui suis derrière eux", justifie Arnaud Montebourg. Derrière ses amis, mais devant les caméras.
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