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Stratégie des forces de l'ordre à Paris : "Efficace d'un point de vue technique, mais inquiétant d'un point de vue politique", selon un sociologue

142 interpellations sont recensés après la nouvelle manifestation ce samedi contre le projet de loi sur la "sécurité globale" à Paris. Les CRS sont intervenus plusieurs fois dans le cortège.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Lors de la manifestation contre la projet de loi "sécurité globale" à Paris le 5 décembre. (VICTOR VASSEUR / RADIOFRANCE)

Ils étaient 5 000 à défiler à Paris contre la proposition de loi "sécurité globale", samedi 12 décembre. Au total, 142 interpellations ont eu lieu dans la capitale, dont certaines avant même que les manifestants s'élancent. Quelques incidents ont émaillé le parcours : les gendarmes mobiles et CRS sont intervenus à plusieurs reprises au milieu du cortège pour "empêcher la constitution d'un black bloc" selon la préfecture de police. "C'est assez efficace d'un point de vue technique pour la police. D'un point de vue politique, je suis assez inquiet", a déclaré ce samedi 12 décembre sur franceinfo Olivier Fillieule, sociologue et auteur de Politiques du désordre, paru au Seuil et co-écrit avec Fabien Jobard.

franceinfo : Est-ce que ces "interventions éclairs", c'est la bonne stratégie pour limiter les violences ?

Olivier Fillieule : Tout dépend de quel point de vue on se place : d'un point de vue technique pour la police, si vous intervenez, si vous interpellez avant qu'il y ait des violences, c'est très efficace. Et de ce point de vue-là, samedi, il n'y a pas eu beaucoup de violences. Des arrestations sont intervenues très tôt, parce qu'on avait identifié dans le cortège des personnes potentiellement violentes. C'est une stratégie de dissuasion qui vise finalement à empêcher les violences ou les actes illégaux de se déployer. D'un point de vue technique, c'est une réussite.

Et d'un point de vue politique, qu'en pensez-vous ?

D'un point de vue politique, je suis assez inquiet. Aujourd'hui en France, il est devenu très difficile de manifester. C'est devenu très difficile d'exprimer, en dehors des élections, des opinions contradictoires à celles du gouvernement. Il n'est plus capable d'entendre les manifestations et les revendications. Et ça, ça dure depuis 2014.

Est-ce qu'il faut tenter de recréer une loi anti-casseurs pour lutter contre les violences ?

A chaque fois qu'on met en place une loi particulièrement sévère, elle n'est pas appliquée, et pour de bonnes raisons : elle n'est pas applicable. Pourquoi aujourd'hui, a-t-on autant de violences dans les manifestations ? Parce que le pouvoir ne veut plus tolérer des illégalismes en manifestation qui, jusqu'à présent, étaient considérés dans la doctrine du maintien de l'ordre comme des soupapes de sécurité. Il vaut mieux avoir un abribus qui pète et qui brûle, voire dans les manifestations d'agriculteurs, une grille de préfecture arrachée et 3 tonnes de purin dans la cour qui vont coûter un million d'euros que d'avoir un blessé. C'est cette manière de penser le maintien de l'ordre sur laquelle on a fonctionné pendant les 40 dernières années. Aujourd'hui, on s'achemine vers quelque chose de beaucoup plus dur, de plus en plus tendu, avec un risque de mort d'un côté comme de l'autre. Ce qui n'est pas souhaitable.

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